Si tout va comme prévu, les consommateurs québécois pourront, d'ici quelques années, connaître le «bilan carbone» de chacun des produits qu'ils achètent.

Imitant des pays comme la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, la Corée du Sud, la Thaïlande et la Suède, le gouvernement du Québec a lancé lundi un projet pilote qui doit mener à l'implantation à large échelle de la certification de l'«empreinte carbone» des produits et des services.

À terme, dans le secteur de la grande consommation, la quantité de CO2 générée tout au long du «cycle de vie» de chaque produit (fabrication, distribution, utilisation et disposition) serait indiquée (en grammes) sur l'emballage.

L'initiative vise à encourager les consommateurs à choisir les produits ayant le plus faible bilan carbone possible. Le gouvernement fait le pari que la certification et l'étiquetage carbone favoriseront les entreprises québécoises, puisque la principale source d'énergie de ces dernières est l'hydroélectricité, qui est très peu polluante.

«Quand quelqu'un veut acheter un produit québécois et qu'il voit que son empreinte carbone est moins importante que pour un produit chinois, par exemple, ça donne un avantage à nos entreprises», a déclaré lundi le ministre du Développement économique, Sam Hamad, lors d'un point de presse.

L'entreprise Ultima, qui fabrique les produits Yoplait, fait partie du projet pilote. Il a toutefois été impossible de savoir auprès de l'entreprise à partir de quand les consommateurs pourront voir le bilan carbone de leur yogourt sur les étiquettes.

Produits industriels

La même logique s'appliquera dans le secteur des produits industriels comme l'aluminium et le bois d'oeuvre. La certification carbone pourrait faciliter les ventes à des clients soucieux de l'environnement et pourrait même accroître les exportations dans certains pays.

Par contre, en l'absence d'un marché mondial du carbone, les produits dont la fabrication a généré moins d'émissions de gaz à effet de serre n'ont pas, sauf exceptions, une plus grande valeur économique que les autres.

À court terme, les entreprises québécoises ne pourront donc pas demander plus cher pour leurs produits, aussi écologiques soient-ils. Il faudra voir si le démarrage d'un marché commun du carbone Québec-Californie (Western Climate Initiative), l'an prochain, changera la donne.

Mais pour Jean Simard, pdg de l'Association de l'aluminium du Canada, il est important de monter dans le train tout de suite. Les trois producteurs québécois d'aluminium - Rio Tinto Alcan, Alcoa et Alouette - participeront au projet pilote annoncé lundi.

«On se dit "pourquoi ne pas faire reconnaître (les faibles émissions générées par la fabrication de l'aluminium québécois)?" Le jour où on pourra valoriser (la certification), on l'aura», a affirmé M. Simard.

En plus des alumineries, les entreprises Interplast (contenants d'oeufs en plastique), Fibrek (pâte à papier) et Chantiers Chibougamau (bois d'oeuvre) font partie du projet pilote.

La certification carbone est également applicable dans le secteur des services. Bell Canada s'en servira pour chiffrer l'avantage écologique que représente pour ses clients l'utilisation de ses deux centres de données québécois (sur six au Canada).

Enerkem (valorisation des déchets) et Laboratoire M2 (désinfection) feront de même dans leurs domaines d'activités.

L'un des principaux défis du projet pilote sera de choisir parmi les différentes méthodologies qui existent dans le monde quant au calcul, à la vérification, à la certification et à la communication des émissions de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, les effets bénéfiques de ce qu'on appelle aussi l'«affichage environnemental» ne sont pas garantis.

En Thaïlande, par exemple, un organisme environnemental a récemment constaté que si l'impact a été favorable pour plusieurs entreprises qui vendent à d'autres entreprises, il a été «très faible» dans le secteur du commerce de détail en raison d'un manque de compréhension du grand public.

Au terme du projet pilote, Québec versera aux entreprises qui veulent faire certifier leurs produits à faible empreinte carbone une aide financière pouvant atteindre 40% des dépenses admissibles de commercialisation, et ce, jusqu'à concurrence de 150 000 dollars. Le gouvernement a réservé 24 millions de dollars au total à cet effet.