Une eau minérale peut-elle être bio? Un petit brasseur bavarois prétend que son eau est d'une pureté telle qu'elle peut être commercialisée avec cette mention. Ses détracteurs crient à la tromperie.Dans son élégante bouteille de verre aux lignes épurées, rien ne distingue a priori la «Bio Kristall» des quelque 500 autres eaux minérales allemandes.

Mais son fabricant, le petit brasseur Lammsbräu, établi dans le nord de la Bavière, affirme qu'elle respecte des critères environnementaux très stricts et peut donc être qualifiée de «bio».

La société, Petit Poucet face à des géants comme Nestlé (Vittel, San Pellegrino, Perrier etc.) ou Danone (Evian, Volvic), compte bien prendre une part du gâteau dans un marché en pleine expansion.

L'Allemagne est en Europe le plus grand marché bio avec un chiffre d'affaires de 5,8 milliards d'euros en 2009, loin devant la Grande-Bretagne, numéro deux.

L'aubaine est d'autant plus belle pour «Bio Kristall» que le marché des eaux minérales connaît lui aussi un boom dans un pays qui compte parmi les plus gros consommateurs européens, après les Italiens. Un Allemand boit en moyenne 131 litres d'eau minérale par an, selon les chiffres 2010 de la Fédération des sources minérales allemandes. Il y a 30 ans, il n'en consommait que 40 litres par an en moyenne.

Les groupes agro-alimentaires déclinent depuis quelques années une large panoplie d'eaux aromatisées ou gazeuses, voire «de luxe» quand le liquide est présenté dans des bouteilles dignes de flocons de parfums.

À l'heure du tout bio, la commercialisation d'un concept «dans l'air du temps» par une petite PME leur est «désagréable», explique à l'AFP la directrice de Lammsbräu, Susanne Horn.

L'industrie exerce une énorme pression sur les petits fabricants, explique-t-on également dans ce secteur.

Pour Nestlé, pas question de se prévaloir d'un quelconque label bio pour l'eau minérale. «Nous sommes convaincus que l'eau minérale est naturelle en soi. Où serait la différence avec une eau bio?», explique à l'AFP Alexander Antonoff, porte-parole de Nestlé Allemagne.

Mais pour la centrale allemande des consommateurs, «le bio attire toujours le consommateur», reconnaît l'une de ses responsables, Christiane Köber. Alors «si je suis le premier à lancer une eau minérale bio sur le marché, il est clair que j'ai un avantage qui se répercute en euros», selon elle.

La mention bio est toutefois dans cette affaire «trompeuse». «L'eau minérale vient d'une source souterraine. La société en question fait de la publicité en jouant sur une évidence», explique Mme Köber à l'AFP.

La puissante association, qui compte plus de 10 millions de membres, a donc porté l'affaire devant les tribunaux. La justice allemande lui a donné raison en février.

Mais la petite PME, qui emploie 85 personnes et produit aussi de la bière bio notamment, a fait appel et peut continuer en attendant de commercialiser sa «Bio Kristall».

Lammsbräu est prête à «aller jusqu'à la Cour de Justice européenne» pour faire valoir ses arguments, selon Mme Horn. «Au Japon (avec la catastrophe nucléaire de Fukushima), on voit en ce moment ce qu'il se passe quand on ne peut plus boire l'eau du robinet», souligne-t-elle.

«Des études scientifiques ont montré des différences de qualité très grandes entre les eaux minérales», détaille-t-elle.

Les pesticides s'infiltrent dans les sources d'eau. Or en Allemagne, l'eau minérale peut être vendue sans que ne soient effectués de tests sur les niveaux de pesticides, indique-t-elle. «Plus personne aujourd'hui ne peut prétendre qu'une eau minérale est pure en soi».

«Bio Kristall», lancée en févier 2010, se veut en outre à la pointe en matière de filières de transports courts et de lutte contre les déchets provoqués par les emballages plastiques. «Ce sont des critères qui n'ont rien à voir avec l'eau minérale», avance néanmoins Christiane Köber.