Les Argentins ne sont plus les premiers consommateurs de viande bovine au monde, une place qu'ils cèdent à leurs voisins uruguayens, épargnés par l'inflation et la conversion massive des éleveurs à la culture de soja.

Selon des projections officielles des deux pays, les Argentins consommeront en moyenne 56,56 kilos de boeuf chacun cette année, contre plus de 60 pour les Uruguayens.

Au delà de l'anecdote, ce classement révèle l'évolution du secteur agricole en Argentine.

L'élevage est une des principales victimes de trois et demi de sécheresse, la pire depuis 60 ans ayant provoqué la mort de 1,5 à 1,8 million de bêtes, selon des données officielles de début 2009.

Mais il est aussi «victime» du soja. En moins de dix ans, 12 à 14 millions d'hectares de prairies ont été principalement remplacées par des cultures de soja --à plus de 50% transgénique--, soit environ 7% des 180 millions d'hectares agricoles du pays.

Le soja, or vert de l'Argentine, est devenu sa principale source de devises. Le pays d'Amérique du Sud est désormais le premier exportateur mondial de farine et d'huile de cet oléagineux principalement consommé en Asie, et le troisième pour les graines.

L'envolée des prix combinée à des perspectives d'exportation de viande bovine en berne, ont fini par convaincre les éleveurs de changer leur fusil d'épaule.

Quant aux consommateurs, ils se rendent face aux étiquettes. Les différentes pièces de boeuf auraient augmenté de près de 40% depuis début 2010, ce qui poussent certains à n'en manger que le week-end, et non plus tous les jours.

La consommation de boeuf était de 68,72 kilos par personne en 2009 en Argentine, selon un rapport du ministère de l'Agriculture et de l'Élevage, soit 18,7% de plus que la consommation en rythme annuel à juin 2010, 56,56 kilos, un chiffre servant de base à la projection pour l'ensemble de l'année.

«Il y a deux ans, nous avions atteint des records de consommation de viande et dépassé les 70 kilos par personne (...) et maintenant nous arrivons à 56 ou 57 kilos de viande par tête», a dit le sous-secrétaire d'État à l'Agriculture, Alejandro Lotti.

Néanmoins, selon lui, «le chiffre historique de 52 millions de têtes de bétail environ devrait être à nouveau atteint dans cinq ans, et grâce à cela, nous allons assurer un contingent à l'exportation de l'ordre de 400 000 tonnes par an, avec une consommation de 60 kilos par tête».

Contrairement aux apparences, le gouvernement fait la promotion d'une alimentation variée. Plusieurs campagnes récentes vantent les bienfaits du poisson, des légumes et de la viande de porc.

«La consommation de porc améliore l'activité sexuelle», a même lancé fin janvier la présidente argentine Cristina Kirchner.

Mais le boeuf reste lié à l'identité argentine.

En Uruguay, les habitants, tout aussi amateurs de steak grillé, ont ingéré 58,2 kilos de viande rouge l'an dernier, et leur consommation devrait augmenter d'environ 5% cette année pour dépasser les 60 kilos, selon l'Institut national des Viandes (INAC).

Dans le petit pays de 3,5 millions d'habitants frontalier avec l'Argentine, désormais le plus carnivore de la planète, cela fait cinq ans que la consommation augmente», notamment en raison de l'augmentation du pouvoir d'achat.