Une technique d'irrigation visant à économiser le gaspillage d'eau a des effets contraires, affirme une nouvelle étude américaine. L'irrigation goutte à goutte, qui alimente chaque plante d'un champ au moment opportun, pourrait augmenter la consommation d'eau.

«Avec l'irrigation par inondation traditionnelle, une bonne partie de l'eau retourne dans les nappes aquifères ou dans les rivières», explique l'auteur principal de l'étude, Frank A. Ward, de l'Université d'État du Nouveau-Mexique, en entrevue téléphonique.

 

«L'irrigation goutte à goutte ne renvoie presque rien, parce que tout est absorbé par les plantes. Or, les quotas et tarifs agricoles d'utilisation de l'eau ne tiennent pas compte de la consommation nette, seulement de la quantité qui est envoyée vers les systèmes d'irrigation.»

Certes, les plantes qui boivent davantage et au moment idéal sont plus grosses. Mais si l'objectif est de réduire la consommation d'eau, plutôt que d'avoir une plus grande production agricole, l'irrigation goutte à goutte fait fausse route. D'autant plus que des subventions importantes promeuvent cette technologie.

«Si on veut augmenter les revenus des fermiers ou la production agricole, c'est parfait, explique M. Ward, qui est économiste et a travaillé avec un ingénieur espagnol. Mais qu'on ne vienne pas me dire que ça permet de réduire l'eau. La quantité d'eau par tonne de nourriture générée est peut-être même plus élevée, parce que l'évaporation est potentiellement plus élevée. Une goutte d'eau a une surface exposée à l'air plus élevée, par rapport à son volume, qu'un canal rempli d'eau.»

Un ingénieur agricole de l'Institut national de la recherche scientifique du Québec, à qui La Presse a soumis l'étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, a mis quelques bémols.

«Tout d'abord, il faut dire que ce sont des modélisations, explique Alain Rousseau de l'INRS. Et les fermiers avaient la possibilité d'augmenter la surface cultivée. Je ne suis pas sûr que la quantité d'eau utilisée grimperait si on limitait la superficie des champs.»

L'agriculture goutte à goutte est peu utilisée au Québec, surtout pour les fleurs. Les rares contrôles de la quantité d'eau utilisée par les agriculteurs ne tiennent pas compte de l'eau excédentaire renvoyée vers les nappes phréatiques et les rivières.

Un jeune agriculteur de la région de Saint-Jérôme, David Gaudreau, souligne quant à lui que cette eau excédentaire est parfois polluée par les fertilisants, les pesticides et la terre.