Le Québec pourrait rater ses cibles de diminution d'émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2020, à la lumière de nouvelles données rendues publiques par le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

Voici un aperçu du rapport, en chiffres :

-9,1

Le Québec n'a diminué que de 9,1 % ses émissions de gaz à effet de serre, entre 1990 et 2016, alors que la province a pour objectif de diminuer ses émissions de 20 % d'ici 2020. Dans les dernières années à l'étude, en fait, les émissions de GES ont stagné ou légèrement augmenté, selon le ministère. « De 78,40 Mt éq. CO2 (millions de tonnes en équivalent dioxyde de carbone) en 2014, les émissions de GES se sont élevées à 78,55 Mt en 2015 et à 78,56 Mt en 2016 », est-il écrit dans le communiqué du ministère.

« Le gouvernement s'était fixé des cibles qui étaient ambitieuses, mais qui étaient tout à fait essentielles devant l'urgence climatique », a indiqué en entrevue téléphonique Sophie L. Van Neste, professeure et chercheure à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).

« On ne s'est pas du tout donné les moyens et les ressources pour répondre à cette ambition-là. »

21,9

C'est l'augmentation, en pourcentage, des émissions de GES dans le secteur des transports. Ce domaine est visiblement le plus problématique puisque les émissions ont augmenté presque constamment depuis 1990 et le transport routier en est largement responsable : les émissions ont bondi de 52,3 %. Les émissions de transport des véhicules lourds à elles seules ont grimpé de 171 %. Du côté des automobiles, le ministère fait état d'une hausse de 15 % du nombre d'automobiles, mais les émissions de GES provenant de cette source ont diminué de 12,9 %. « Cette baisse est en partie attribuable au renouvellement du parc automobile. Les modèles les plus anciens sont graduellement remplacés par de plus récents, moins énergivores et émettant moins de GES », note le ministère.

Mme Van Neste estime que le Québec doit donner un sérieux coup de barre pour diminuer les émissions de GES en transport. « On tarde tellement à investir dans les transports collectifs, ça fait des années qu'on en parle et on ne tire même pas profit des transferts fédéraux qui seraient disponibles pour le faire », a-t-elle soutenu.

« Et ça, je pense que c'est lié à un biais institutionnalisé en faveur du transport routier, qui prend beaucoup, beaucoup de temps à changer. »

-31,8

Le secteur des déchets est celui qui a le plus diminué ses émissions de GES de 1990 à 2016. Selon le ministère, cela est attribuable « à la récupération et à l'incinération, dans certains sites d'enfouissement, des gaz émis pendant la décomposition des déchets ». « Dans les sites les plus importants, l'énergie produite par l'incinération de ces gaz est récupérée sous forme de vapeur ou utilisée pour la production de l'électricité », peut-on lire dans le rapport. Le secteur du chauffage résidentiel, commercial et institutionnel a aussi réussi à baisser considérablement ses émissions, qui ont chuté de 24,4 % pendant la même période.

-26,4

L'industrie a grandement diminué ses émissions de GES de 1990 à 2016, comme le montre ce pourcentage. Selon le ministère, cette variation s'explique par la diminution des GES issus des procédés industriels et de la combustion industrielle.

Sophie L. Van Neste invite le gouvernement à agir maintenant, pour aider les citoyens à diminuer également leur empreinte écologique.

« Le secteur industriel a réduit plus vite ses émissions parce qu'on est capable de cibler certains grands émetteurs, des procédés industriels ; même chose pour les déchets, parce qu'on cible des sites d'enfouissement. Mais là on est des milliers à émettre contre notre gré des gaz à effet de serre. L'action collective est plus difficile parce que nous sommes plusieurs émetteurs », a-t-elle indiqué.

« Les individus, ils sont limités dans ce qu'ils peuvent faire, mais si l'État ne change pas les infrastructures, ne met pas d'incitatifs au marché, ne change pas la façon qu'on construit nos villes, eh bien le citoyen, on fait ce qu'on peut... Il faut que chaque investissement de l'État considère la question climatique. »

2030

Interpellée sur le sujet à la période de questions, jeudi matin, la ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, MarieChantal Chassé, a mis le cap sur 2030, jugeant les cibles de 2020 irréalistes. « Monsieur le président, la situation s'aggrave », a-t-elle reconnu. « Nous sommes fermement engagés à atteindre les cibles de 2030 », a-t-elle ajouté. Le premier ministre François Legault a attribué ces résultats à l'ancien gouvernement libéral. « On a regardé dans tous les tiroirs du ministère de l'Environnement, on n'a vu aucun plan qui nous amène à moins 20 % en 2020 », a-t-il déploré. « On va mettre des estimés jusqu'en 2020, on va faire notre possible. »

Les libéraux se sont bien défendus de ne pas avoir assez agi. « Il a dit qu'on n'avait pas mis de plan sérieux, mais que fait-il du plan d'électrification des transports que nous avons déposé ? Que fait-il du plan d'action sur les changements climatiques ? Que fait-il du plan directeur en matière de transition énergétique ? Que fait-il de la création de Transition énergétique Québec qui dispose de fonds substantiels pour aider les entreprises à réduire, entre autres, les émissions de gaz à effet de serre ? », a lancé le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Pierre Arcand.

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Malgré ce bulletin plutôt faible, le Québec occupe le premier rang quant aux faibles émissions de GES, par rapport aux autres provinces canadiennes. Il a produit 9,6 tonnes par habitant en équivalent dioxyde de carbone, ce qui est bien plus bas que la moyenne canadienne de 19,4 tonnes. Les émissions québécoises ne représentent que 11,1 % des émissions canadiennes. C'est la Saskatchewan qui affiche le pire bilan. La province produit 66,4 tonnes par habitant, et de 1990 à 2016, ses émissions ont augmenté de 70,1 %. L'Alberta suit de près avec ses 62,1 de tonnes par habitant.