La Terre est moins sensible à l'émission des gaz à effet de serre que ne le supposent les modèles climatiques actuels, selon une nouvelle étude britannique. Au lieu d'augmenter d'un maximum de 4,5 °C, le mercure ne grimpera que de 3,4 °C. Nos explications.

Les calculs des chercheurs de l'Université d'Exeter portaient sur ce qui se passera quand les concentrations de dioxyde de carbone (CO2), un gaz à effet de serre, seront deux fois plus élevées qu'à l'ère préindustrielle, au milieu du XVIIIe siècle. « L'impact sur la température dépendra de la sensibilité du climat à cette augmentation de la concentration du CO2 », explique l'auteur principal de l'étude publiée dans Nature, Peter Cox de l'Université d'Exeter. Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU prévoit qu'il y a 66 % de probabilité qu'avec ce doublement de la concentration du CO2, la température moyenne augmente de 1,5 à 4,5 °C par rapport à 1750. L'étude de M. Cox restreint cet intervalle : la température augmentera plutôt de 2,4 à 3,4 °C. « C'est une bonne nouvelle parce que ça veut dire qu'il sera moins difficile de respecter l'objectif de l'accord de Paris, de restreindre l'augmentation de température à 2 °C », dit M. Cox.

EXTRÊMES

Cette prévision d'augmentation de température ne surviendra pas immédiatement quand le taux de CO2 dans l'air aura doublé. « Il faudra des années, des décennies pour que ça arrive », dit M. Cox. L'exercice permet toutefois d'exclure certains des scénarios extrêmes. Il y a seulement 1 % de probabilité que l'augmentation soit supérieure à 4,5 °C. Pour utiliser un niveau de risque plus courant, qui correspond notamment à l'incertitude des sondages, il y a 5 % de probabilité que l'augmentation de température soit supérieure à 3,8 °C. À l'inverse, les scénarios optimistes sont aussi moins probables : il y a seulement 5 % de probabilité que le mercure augmente de moins de 1,8 °C. Depuis 250 ans, le réchauffement de la Terre a crû de presque 1 °C.

RESSORT

L'approche de M. Cox diffère de celle du GIEC en ce qu'elle se base sur la « variabilité naturelle » du climat. « Je fais souvent l'analogie avec un ressort, dit M. Cox. Si le climat est très variable, le ressort oscillera beaucoup. Ça veut dire que si on accroche un poids au ressort, c'est-à-dire qu'on augmente la concentration de CO2, le ressort baissera beaucoup, la température augmentera beaucoup et le climat est très sensible. » Les chercheurs britanniques ont « enlevé » l'augmentation de la concentration de CO2 depuis 1750, pour vérifier quelle était la variabilité naturelle du climat. « En enlevant l'augmentation de CO2, on enlève un poids au ressort et on peut voir quelle est son oscillation naturelle. C'est dû à une foule de choses, les nuages notamment. Nous nous sommes rendu compte que les modèles climatiques surestimaient cette variation naturelle, la sensibilité du climat. »

MÉMOIRE

L'une des découvertes secondaires de Peter Cox et ses collègues d'Exeter est que le climat a une « mémoire ». « S'il fait chaud une année, il y a plus de probabilité que l'année suivante soit aussi chaude, dit M. Cox. Ça allonge la courbe de la variabilité naturelle du climat. Les modèles climatiques ne tiennent pas très bien compte de cela non plus. »

CRITIQUES

Nature a publié avec l'étude de Peter Cox un commentaire de Piers Forsters, climatologue de l'Université de Leeds, qui a fait une recension d'autres études indépendantes du GIEC qui sont arrivées à des conclusions différentes de celles de M. Cox. Parmi celles-ci se trouve une autre étude de Nature, publiée en décembre, qui concluait que les estimations du GIEC sous-estimaient la sensibilité du climat par un demi-degré. 

« Je pense que leurs conclusions ne sont pas justifiées », dit Patrick Brown, de l'Université Stanford, qui est l'auteur principal de l'étude de décembre. « Pour une raison que je m'explique mal, ils excluent certains des modèles climatiques ayant la plus grande spécificité. » Peter Cox réplique qu'il n'a retenu qu'un modèle par centre de recherche, afin d'éviter des problèmes statistiques. « L'étude de Patrick est très sophistiquée, dit M. Cox. Les auteurs ont utilisé des modèles de la haute atmosphère, alors que nous avons privilégié la température à la surface de la Terre, parce qu'il y a une période beaucoup plus longue de données, depuis 1880. » 

M. Brown convient qu'il pourrait être valable de ne prendre qu'un modèle climatique par centre de recherche et confirme que ses données de la haute atmosphère, prises par satellite, remontent seulement à 2001. Le commentaire de Piers Forsters, lui, considérait que l'approche de l'Université d'Exeter était « la plus convaincante ».