Seule à table face à 195 autres pays qui ont pris un autre chemin; la tâche de l'équipe américaine lors des prochaines négociations sur le climat s'annonce redoutable.

Paradoxe: si Donald Trump a annoncé haut et fort que les États-Unis quittaient le « mauvais accord » signé en décembre 2015 à Paris par son prédécesseur Barack Obama, le retrait ne sera pas effectif avant trois ans.

Une délégation américaine, emmenée par Thomas Shannon, un diplomate de carrière très respecté, sera donc bien présente à Bonn, en Allemagne, dans une semaine, pour la reprise des discussions sous l'égide de l'ONU. Objectif de cette réunion : préparer la mise en place de cet accord inédit visant à contenir la hausse de la température mondiale.

« C'est une situation étrange, je ne crois pas avoir vu quelque chose d'équivalent au cours des quelque 30 années depuis lesquelles je suis ce processus », souligne Alden Meyer, expert au sein de l'ONG américaine Union of concerned scientists.

L'administration Trump souligne qu'elle a bien l'intention de faire entendre sa voix, avec un mot d'ordre : « protéger les intérêts américains ».

Et, en écho au slogan « America first » brandi durant la campagne par le magnat de l'immobilier, elle promet d'avoir les yeux rivés sur son grand rival, la Chine, premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète.

Électrochoc

La Maison-Blanche affirme vouloir s'assurer « que les règles soient transparentes et justes et s'appliquent aux pays tels que la Chine et les autres concurrents économiques des États-Unis ».

Mais, depuis l'électrochoc du 1er juin et l'annonce du retrait par Donald Trump, Washington est en très mauvaise posture pour donner le ton.

Car au-delà des textes extrêmement techniques, âprement négociés à la virgule près, la « diplomatie climat » est aussi affaire de messages, de symboles, de dynamiques.

Ben Rhodes, ancien proche conseiller de Barack Obama, estime que Washington a de facto abandonné sa capacité à peser dans les débats en se plaçant hors du processus.

« Je pense que le reste du monde va tout simplement continuer avec l'accord de Paris et attendre de voir ce qui se passera aux États-Unis en 2020 », explique-t-il à l'AFP.

Avec, juge-t-il, un risque réel : celui que « les autres pays se montrent moins ambitieux dans leurs engagements et la mise en oeuvre de ces derniers en brandissant l'excuse du départ des États-Unis ».

Reste l'hypothèse, présente dans tous les esprits, d'un changement de pied de Washington dans les années à venir.

Selon les termes du NSC, les États-Unis ont l'intention de se retirer de l'accord de Paris dès qu'ils pourront le faire, « à moins que le président n'identifie les termes qui soient plus favorables aux entreprises, aux travailleurs et contribuables américains ».

4 novembre 2020 

Une éventualité serait que les États-Unis proposent de s'engager sur des objectifs moins ambitieux que ceux annoncés par Barack Obama : réduction de 26 % à 28 % de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2025 par rapport à 2005. Mais rien n'indique à ce stade que le locataire de la Maison-Blanche soit prêt un volte-face sur ce texte, qu'il vilipende dès qu'il en a l'occasion.

Pour l'heure, la voix la plus audible des États-Unis à Bonn devrait être la coalition de villes, États et entreprises - avec le milliardaire Michael Bloomberg en première ligne - déterminée à faire le maximum sur le terrain pour tenir les engagements américains, quelle que soit la position de la Maison-Blanche.

« C'est nouveau », relève Alden Meyer. « Cette force-là n'existait pas en 2001 lorsque George W. Bush a annoncé qu'il se retirait du protocole de Kyoto ».

Ironie de l'histoire : l'accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre 2016. Sachant qu'il faut trois ans pour un signataire avant de pouvoir signifier son retrait et encore un an avant que ce dernier ne soit effectif, la sortie des États-Unis pourrait intervenir le 4 novembre 2020.

Soit au lendemain de la prochaine élection présidentielle américaine.