La lutte contre le réchauffement climatique sera-t-elle une priorité lors du sommet du G7 qui s'ouvre aujourd'hui en Italie ? Peu probable, même si les chefs d'État tenteront de convaincre Donald Trump de rester dans l'Accord de Paris. Toutefois, si les États-Unis continuent de participer à l'application de l'accord, ils risquent fort de l'émasculer, croit Luke Kemp, chercheur de l'Université nationale australienne à Canberra.

« UN POINT POLITIQUE »

« Les conséquences d'un retrait des États-Unis de l'Accord de Paris sont moins grandes parce qu'il n'a pas d'obligations financières et en matière d'émissions », dit Luke Kemp en entrevue téléphonique. Le politologue australien a étayé sa thèse dans la revue Nature Climate Change. « C'est d'ailleurs ce qui explique que le président Obama ait pu y adhérer en 2015 : comme il n'y avait pas d'obligations, la ratification par le Sénat américain n'était pas nécessaire. Le successeur de Donald Trump pourrait ainsi choisir d'adhérer de nouveau à l'Accord de Paris. Je pense que si Trump reste dans l'Accord de Paris, il pourra le miner de l'intérieur de manière beaucoup plus efficace que s'il en retire les États-Unis formellement. Quitter l'Accord de Paris est une manière de marquer des points politiques, mais n'a pas de conséquences concrètes. »

CHINE

Luke Kemp a consacré son doctorat à l'influence de la politique intérieure américaine sur les négociations climatiques internationales. « De manière générale, les États-Unis ont été un facteur négatif sur ces négociations. Ils ont été les alliés objectifs de la Chine et de l'Inde sur le plan des obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre : les États-Unis ne pouvaient pas y souscrire parce qu'Obama savait que ça ne passerait jamais au Sénat, la Chine parce qu'elle s'opposait par principe, car les pays en voie de développement ont historiquement émis beaucoup moins de GES. Sans la présence des États-Unis, on peut penser que la Chine sera beaucoup plus ouverte à la conclusion d'un accord mondial sur les Bourses du carbone pour limiter les émissions par les mécanismes de marché. Il pourrait même y avoir, de concert avec l'Europe, un protectionnisme contre les pays comme les États-Unis qui refusent d'y participer. »

FONDS VERT

Un retrait des États-Unis de l'Accord de Paris ne toucherait pas non plus le financement du Fonds vert pour le climat prévu par l'accord pour aider les pays en voie de développement à réduire leurs émissions de GES et à s'adapter aux changements climatiques. « Les États-Unis ont promis 3 milliards US, le tiers du fonds, dit M. Kemp. Mais ils n'ont une obligation légale qu'à la hauteur de 500 millions US, et cette somme est déjà déboursée. »

RUSSIE ET ARABIE SAOUDITE

Luke Kemp donne deux exemples de l'influence néfaste d'une Amérique hostile à l'Accord de Paris, mais toujours formellement adhérente. « L'Arabie saoudite a toujours fait partie des négociations internationales, mais a toujours fait des pieds et des mains pour faire traîner les choses, pour augmenter les obstacles. D'un autre côté, en 2012, la Russie avait opposé son veto à des décisions lors des négociations de Doha. Le président de la conférence de Doha n'en avait pas tenu compte, comme c'était son droit. Mais il serait beaucoup plus difficile politiquement d'ignorer un veto américain, ou le veto d'un autre pays qui serait appuyé par les États-Unis. »

L'AUTRE TRAITÉ

Les collègues de M. Kemp à qui il a montré son essai de Nature Climate Change étaient au départ très surpris de sa position. « Il y a cette idée qu'il faut empêcher Donald Trump de quitter les associations et les traités internationaux. Mais quand mes collègues voient mon raisonnement au complet, ils concèdent que la poursuite de la participation à l'Accord de Paris, avec Donald Trump et son scepticisme envers les institutions internationales et les changements climatiques, serait potentiellement beaucoup plus désastreuse. Cela dit, ils m'ont fait voir qu'un autre retrait américain serait beaucoup plus périlleux : si Donald Trump décide de se retirer de la Convention-cadre sur les changements climatiques, adoptée au sommet de la Terre de Rio en 1992 et qui, depuis, sous-tend toutes les conférences annuelles et les accords comme ceux de Kyoto et de Paris. Il est fort possible que le retrait de la Convention-cadre ne requière qu'une décision présidentielle, mais qu'une nouvelle adhésion par un autre président américain nécessite une approbation du Sénat. » La Convention-cadre rend notamment possibles les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui chiffre les changements climatiques actuels et à venir.

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La Californie à la rescousse


Comme c'était le cas sous George W. Bush, les États américains sont à l'avant-garde dans la lutte contre les changements climatiques, et en porte-à-faux avec le gouvernement fédéral. Le mois dernier à San Francisco, la Californie, le Canada et le Mexique ont adhéré au protocole d'entente Under2, qui regroupe des villes, des régions et des pays s'engageant à réduire leurs émissions de CO2 de manière à limiter la hausse de la température planétaire sous la barre des 2 degrés Celsius. Et en juin, le gouverneur de la Californie, Jerry Brown, se rendra en Chine pour aborder la question des changements climatiques avec de hauts dirigeants chinois. L'État de la côte Ouest est à l'avant-garde des politiques environnementales, avec des normes de consommation sévères pour les voitures et une bourse du carbone à laquelle participe notamment le Québec.