L'océan se réchauffe et s'acidifie sous l'effet du changement climatique, affectant les coraux tropicaux et certains coquillages, mais les impacts sur l'océan, potentiellement catastrophiques, seraient limités avec un réchauffement de 2°C.

Telle est la conclusion de travaux réalisés par une vingtaine de chercheurs internationaux regroupés sous la bannière «Initiative océans 2015» et publiés jeudi dans la revue Science. Dans leur ligne de mire : la conférence sur le climat fin 2015 à Paris où un accord universel pour limiter le réchauffement à 2°C est espéré.

«L'avenir de l'Homme dépend de l'avenir des océans», a souligné au cours d'une conférence de presse dans la capitale française Alexandre Magnan, un des auteurs de l'étude, appelant les pays à «faire preuve d'ambition» pour enfin amorcer une baisse mondiale des émissions de gaz à effet de serre.

«Nous avons regroupé les connaissances sur les océans déjà présentes dans les travaux du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat), intégré les données publiées depuis 2013, et nous sommes allés plus loin sur les impacts prévisibles sur les écosystèmes (poissons, coquillages, coraux, mangroves, etc.) et sur les services rendus par les océans» (absorption du CO2, protection des côtes, pêche, aquaculture, etc.), a résumé Jean-Pierre Gattuso, l'un des principaux auteurs de l'étude.

L'océan absorbe plus de 90% de l'énergie excédentaire due à l'effet de serre et plus de 25% du CO2 émis, jouant ainsi un rôle clé d'amortisseur du réchauffement. Par ailleurs, «il abrite 25% des espèces évoluées, fournit 11% des protéines consommées et contribue au rôle de protection des côtes (barrières de corail, mangroves, herbiers, etc.)», a rappelé Jean-Pierre Gattuso pour illustrer la dépendance de l'Homme à ces masses d'eau qui couvrent les trois quarts de la planète.

L'océan a déjà gagné en surface entre 0,6 et 0,7°C depuis l'ère préindustrielle, avec des disparités géographiques notables, et ce réchauffement va se poursuivre, a expliqué Laurent Bopp,  également coauteur de l'étude. Tout comme l'acidification qui attaque certains organismes (coraux, coquillages, etc.) qui ont augmenté de 30%, soit 0,1 point de pH.

Les pêcheries tropicales menacées

Selon l'étude, dans un scénario à +2°C, l'augmentation du pH serait limitée à 0,14 unité, mais entrerait dans une zone hors de contrôle si les émissions de gaz à effet de serre continuaient au rythme actuel (+0,4 unité de pH, soit 40 fois plus).

Aujourd'hui, sous l'effet de l'élévation de la température des océans, de leur acidification et de leur plus faible oxygénation, les coraux tropicaux et certains coquillages aux latitudes moyennes - comme les huîtres sur la Côte est américaine - sont attaqués.

«L'objectif de 2°C comporte des risques majeurs» pour ces organismes, relèvent les chercheurs, mais «les impacts sur d'autres organismes et écosystèmes resteront modérés avec un tel scénario».

Des déplacements d'espèces de poissons, avec un appauvrissement des pêcheries dans les zones tropicales, sont toutefois attendus même à +2°C, soulignent-ils. A contrario, la pêche en Islande ou en mer de Norvège devrait en bénéficier.

Mais un scénario d'émissions de gaz à effet de serre élevé (scénario actuel) «aggravera considérablement la situation : presque tous les organismes étudiés auront à faire face à des risques de dommages très élevés, tels que des mortalités massives et d'importants déplacements d'espèces», estiment les membres d'«Initiative océans 2015».

Les récifs coralliens tropicaux, qui protègent de la violence des vagues et abritent une riche biodiversité garante de bonne santé pour la pêche et le tourisme, sont particulièrement menacés.

Or, «les services écologiques et économiques qu'ils rendent représentent des sommes considérables», insiste Jean-Pierre Gattuso.

«Des efforts immédiats de réduction des émissions de CO2 sont plus que jamais indispensables» pour éviter «le risque de modifications brutales et irréversibles», concluent les chercheurs.