Le marché du carbone est entré dans une crise sans précédent cette semaine avec un cours du CO2 passé sous la barre des 3 euros la tonne, poussant la Commission à chercher en urgence à relancer l'outil central de la politique climatique de l'Union européenne.

Après une dégringolade observée depuis des mois, le cours du carbone a descendu une marche supplémentaire lundi en tombant sous les 5 euros. Quelques jours plus tard, c'était sous la barre symbolique des 3 euros, avant de remonter à 4,44 euros en fin de semaine.

Le prix du carbone est désormais sept fois plus bas qu'il ne l'était début 2008, et la performance est pour le moins problématique pour un marché créé en 2003 - et effectif depuis 2005 - afin de rendre attractifs les investissements vers des énergies moins émettrices de CO2, principal gaz à effet de serre (GES).

Le marché européen du carbone - le premier de ce type et le seul de grande envergure dans le monde - «est l'outil le plus efficace au moindre coût de la politique climatique de l'Union européenne», a réaffirmé jeudi la commissaire européenne chargée du Climat, Connie Hedegaard.

«Et les évènements montrent qu'il faut faire quelque chose de toute urgence», a-t-elle ajouté.

La Commission a donc relancé sa proposition de geler la mise en enchères de 900 millions de tonnes de quotas de CO2 sur la période 2013-2015, afin de faire remonter un cours du carbone qui s'est effondré sous le coup de la crise et de permis de polluer alloués trop généreusement.

«On est dans une situation de crise», constate Fabien Roques, directeur du cabinet de conseil IHS CERA. «On n'avait pas prévu la crise économique. On émet moins de CO2», dit-il, précisant que «le surplus de quotas est énorme, de près de 1,7 gigatonne sur la période 2008-2020».

L'Union européenne est très divisée sur la proposition de la Commission que la France, elle, soutient.

«Il faut d'une façon ou d'une autre intervenir pour soutenir le prix du carbone», a déclaré vendredi à l'AFP la ministre de l'Écologie, Delphine Batho, soulignant que «le marché du carbone n'a pas produit les résultats attendus jusqu'à présent».

Les analystes estiment en moyenne entre 20 et 30 euros le prix plancher du carbone nécessaire pour financer les investissements dans les énergies renouvelables et le stockage de CO2.

Pour la ministre, il faut donner «un signal de long terme qui contribuerait à la lisibilité dont on a besoin», en posant de nouveaux objectifs de réduction de GES à l'horizon 2030 et 2040: -40% et -60% par rapport à 1990.

Pour l'heure, l'UE ne s'est engagée que sur une réduction des GES de 20% d'ici 2020, un chiffre jugé insuffisant par de nombreuses ONG, partis écologistes et pays du Sud.

Pour l'eurodéputé vert français Yannick Jadot, l'état du marché du carbone ne fait que refléter un manque d'ambition de l'UE.

«L'ambition s'est totalement diluée. On ne crée pas d'indication pour que notre industrie se dirige vers plus de sobriété», déclare-t-il à l'AFP, soulignant que l'objectif de 2020 serait atteint «sans effort»: «avec la récession, c'est la trajectoire».

Le président du comité pour la fiscalité écologique, Christian de Perthuis, a également estimé qu'il y avait avant tout un problème de «portage politique» derrière la situation «extrêmement grave» du marché du carbone.

Yannick Jadot dénonce par ailleurs le poids des lobbies industriels qui, crise économique oblige, «fonctionnent très bien» pour maintenir un prix du carbone le plus bas possible.

Des lobbies auxquels s'est adressée Mme Hedegaard pour leur demander de «réfléchir à deux fois» avant de tuer le marché carbone et se retrouver avec un «patchwork composé de 27 systèmes nationaux différents et de taxes».