Alors que la conférence de Durban sur le climat se dirige au mieux vers un compromis boiteux, il faut relancer la discussion sur une toute nouvelle base, affirme Stéphane Dion.

L'ancien ministre de l'Environnement, ancien chef du Parti libéral et président de la Conférence des Nations unies sur le climat de Montréal en 2005 estime en effet qu'il n'y a plus de progrès possible sur la voie actuelle, qui est d'imposer par pays des plafonds aux émissions de gaz à effet de serre (GES).

Il affirme qu'il vaudrait mieux fixer un prix mondial pour l'émission du carbone, que ce soit par une taxe ou un droit d'émission échangeable. Ce prix devrait être fixé par des scientifiques en fonction de l'objectif de stabiliser le climat.

«Il y a de plus en plus de gens qui disent comme moi que les Chinois accepteraient bien plus volontiers un prix mondial sur le carbone et que cela soit intégré aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, dit M. Dion en entrevue à La Presse. C'est beaucoup plus envisageable que de leur faire accepter une cible absolue, à cause du fait que leur économie croît de 10% par année.»

Un prix mondial sur le carbone influencerait les choix énergétiques sans nuire à la compétitivité des pays entre eux, M. Dion.

Le Programme des Nations unies pour l'environnement estime qu'un prix de 34$ la tonne permettrait de stabiliser le climat.

«Les seuls qui seraient pénalisés sont les pays pauvres, mais les revenus du prix de carbone pourraient alimenter le Fonds vert dont on discute à Durban», dit M. Dion.

Cela ne veut pas dire que le protocole de Kyoto faisait fausse route en fixant des plafonds, dit-il. «Kyoto a fonctionné. Même en incluant le Canada dans les statistiques, en moyenne, on va atteindre l'objectif.»

Peu d'espoir

En ce qui concerne le résultat de la conférence de Durban, qui doit se conclure aujourd'hui à 18h heure locale (11h, ici), M. Dion a peu d'espoir.

«On essaie à tout prix ce qu'on n'a pas réussi au cours des dernières années, c'est-à-dire garder le processus en vie, dit-il. Comme on s'entend à peu près sur rien, on pellette tout en avant.»

«Le gouffre est vertigineux entre les actions proposées et les mesures qui sont nécessaires. La science nous demande de limiter le réchauffement à 2 degrés. Et si on fait le compte de tous les engagements actuels, on s'enligne vers un réchauffement de 3,5 à 4 degrés, ce qui dépasse largement le point dangereux de non-retour.»

On ne devrait pas s'étonner de voir M. Dion lancer à l'échelle mondiale sa principale proposition de la campagne électorale de 2008. Une idée battue en brèche par les conservateurs qui ont remporté les élections.

Mais l'idée a fait du chemin, en Colombie-Britannique et en Australie, notamment. «Les Australiens ont réussi à mettre une taxe de 23$ sur la tonne de carbone, dit M. Dion. Ça leur a coûté un premier ministre et trois chefs de l'opposition. Alors vous voyez, je ne suis pas seul! On finit par y arriver.» Le monde est peut-être mûr pour l'idée de M. Dion, affirme Steven Guilbeault, d'Équiterre, qui a assisté aux dernières heures de la négociation à Durban. «C'est peut-être moins compliqué d'instaurer un prix mondial pour le carbone que d'imposer des cibles à chaque pays», dit-il.

Alors que les négociations se crispaient hier soir, M. Guilbeault, vétéran d'une quinzaine de conférences climatiques, sentait l'humeur différente à Durban. «C'est peut-être la conférence où plein de gens vont dire: c'est mieux pas d'entente du tout qu'une entente qui donne l'illusion qu'on fait des progrès.»

Plusieurs groupes, dont l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), Équiterre, Nature Québec et la Fondation David Suzuki, appellent la population à manifester aujourd'hui leur appui au maintien du protocole de Kyoto et leur rejet de la politique canadienne sur le climat. Un rassemblement aura lieu à 13h30 à la place du Canada.