Le Canada sera le dernier refuge des ours polaires, des phoques et de centaines de plantes et d'animaux dont la survie dépend de la banquise arctique. Mais cette «oasis de glace» pourrait disparaître d'ici à la fin du siècle, ont constaté des scientifiques au dernier congrès annuel de l'Union géophysique américaine, à la mi-décembre, à San Francisco.

«Les vents et les courants poussent la glace arctique sur les côtes canadiennes», explique Robert Newton, géochimiste à l'Université Columbia, que La Presse a joint à New York. «La glace peut actuellement y atteindre une demi-douzaine de mètres d'épaisseur. C'est là que subsistera la dernière banquise permanente de l'Arctique. Mais elle pourrait bien disparaître d'ici 60 à 120 ans, si les émissions de gaz à effet de serre continuent au rythme actuel.»

Les ours polaires et les phoques sont les animaux menacés les plus connus. «Les ours ont besoin d'une banquise qui ne soit ni trop épaisse ni trop mince, dit M. Newton. Il faut que les phoques puissent y creuser des trous pour respirer, devant lesquels les ours polaires les attendent. Et il ne faut pas qu'elle cède sous leur poids, particulièrement sur les sections de banquise qui dérivent. Un ours polaire qui se retrouve à l'eau peut nager jusqu'à la rive si elle n'est pas trop loin, mais pas si elle se trouve à des centaines de kilomètres. Les phoques, de leur côté, ont besoin d'une couche de neige par-dessus la banquise pour se cacher des ours polaires et pour mettre bas et nourrir leurs petits à l'abri.»

Ce couvert de neige pourrait paradoxalement poser problème, même si les précipitations devaient augmenter en Arctique. «S'il n'y a plus de banquise, la neige tombe dans l'eau et fond au lieu de s'accumuler sur la glace.»

Il existe aussi des micro-organismes essentiels à tout l'écosystème arctique, qui disparaîtront avec la banquise. «Certains animaux et plantes microscopiques vivent sous la glace, dit M. Newton. Sans glace, ce plancton ne peut plus vivre, même si la banquise ne disparaît que pendant quelques semaines durant l'année. Sera-t-il remplacé par un autre type de plancton qui conviendra à la faune arctique? Nul ne peut le savoir.»

Des équipes de chercheurs travaillent en ce moment à détecter les endroits où pourraient subsister des oasis de glaces permanentes, le long de l'archipel arctique canadien. «On pourrait imaginer des programmes qui dirigeraient les ours polaires et les phoques vers ces oasis durant l'été, pour éviter qu'ils se trouvent trop éloignés pour s'y rendre, dit M. Newton. Mais ça serait un véritable casse-tête. Il vaut vraiment mieux diminuer les émissions de gaz à effet de serre.»