La décision de fermer les portes de la fondation de recherche sur le climat, prise la semaine dernière, aura pour conséquence de réduire considérablement les fonds publics attribués à la science des changements climatiques, selon une analyse du Réseau Action Climat, qui réunit la plupart des groupes environnementaux du pays.

Contredisant le gouvernement Harper, qui a soutenu qu'il enlève à une organisation pour donner à d'autres, le rapport évalue que «plus de la moitié» du budget global normalement accordé à la science canadienne du climat disparaîtra en même temps que la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère (FCSCA).

Analysant les budgets - passés et futurs - de la FCSCA, de la Fondation canadienne pour l'innovation ainsi que du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (NSERC), l'analyste Andrew Cuddy évalue que pour l'année fiscale en cours et pour les subséquentes, «le financement fédéral global chutera à moins de la moitié du niveau des dernières années». «La baisse additionnelle de financement liée à la fin de l'Année polaire internationale empirera la situation», ajoute-t-il.

Pour les environnementalistes, cela démontre, à tout le moins, une méfiance d'Ottawa à l'endroit de la science. «Quand un gouvernement étouffe la recherche scientifique sur le climat et la diffusion de ses résultats, les citoyens vont naturellement penser que c'est parce que ce gouvernement ne prend pas le dossier au sérieux et ne veut pas que les autres le fassent non plus», indique Matthew Bramley de l'Institut Pembina, qui a été appelé à réviser ledit rapport.

Au cabinet du ministre de l'Environnement, Jim Prentice, on souligne qu'après 10 ans d'existence, la Fondation pour les sciences du climat était tout simplement mûre pour une révision. «Nous sommes rendus dans un processus de reddition de comptes, a indiqué Frédéric Baril, porte-parole. Y aura-t-il autre chose dans l'avenir? On verra.»Attitude néfaste

Mais que la FCSCA soit éventuellement remplacée ou pas, cela ne change rien à l'attitude néfaste des conservateurs à l'endroit de la science en général, réplique le Réseau Action Climat. Il y a eu suffisamment de gestes posés contre les chercheurs dans les dernières années pour se convaincre du peu d'estime que leur accorde Ottawa, ajoute-t-on.

Pour illustrer son propos, Andrew Cuddy cite plusieurs exemples, dont la nomination de trois «climato-sceptiques» au sein du Conseil de recherches en sciences naturelles et l'abolition du poste de Conseiller national des sciences, en mars 2008.

Il ajoute que le Conseil de la Science, de la Technologie et de l'Innovation, qui a remplacé cette dernière fonction, n'a qu'un rôle scientifique extrêmement limité. D'ailleurs, note-t-il, seulement quatre des dix-huit membres sont des chercheurs à temps plein. «Et il y a plus de représentants de l'industrie et du monde des affaires que de scientifiques sur le conseil», ajoute M. Cuddy.

Dans son rapport d'une trentaine de pages, ce dernier fait aussi un survol de certains incidents ayant échaudé les scientifiques d'Environnement Canada depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs, en 2006. En plus de la nouvelle politique qui interdit aux chercheurs de répondre directement aux questions des médias, dont La Presse révélait l'existence hier, on rappelle par exemple la décision d'annuler in extremis le voyage d'un de ses chercheurs, en décembre 2008.

Alors qu'il était en route vers l'aéroport, le directeur de la division de la recherche sur les impacts climatiques, Don MacIver, avait en effet reçu l'ordre de ne pas s'envoler pour la Conférence de l'ONU sur le climat de Poznan. Ottawa avait prétexté une volonté de diminuer ses coûts, même si le voyage était payé par l'Organisation mondiale de la météo.

En guise de conclusion, le Réseau Action Climat demande au gouvernement Harper de renverser la tendance et de réinvestir dans la recherche scientifique, comme a choisi récemment de le faire l'Administration Obama. On rappelle la volonté d'Ottawa d'harmoniser ses politiques environnementales avec son voisin du Sud, en se désolant que la recherche ne fasse pas partie du lot.