La conférence sur le climat de Copenhague tentait mercredi de progresser après le coup de sang des pays en développement qui réclament un accord capable de «protéger les plus pauvres» et s'inquiètent du manque d'engagement des pays riches sur son financement.

«Nous devons avancer, il nous faut un accord légalement contraignant qui préserve la planète et protège les plus pauvres. Tout le reste n'est que distraction,» a ainsi déclaré à l'AFP Dessima Williams, représentante de Grenade et de l'Association des petits États insulaires (AOSIS). «J'espère que les choses vont se calmer et qu'on pourra retourner au véritable sujet», confiait de son côté un responsable européen.

La crise a suivi la divulgation d'une proposition de texte du Danemark, hôte de la conférence, testée auprès de quelques pays.

«Nous n'accepterons pas un accord qui condamne 80% de la population mondiale à plus de souffrance et d'injustice», a immédiatement tonné le délégué soudanais Lumumba Stanislas Dia-Ping, dont le pays préside la coalition du G-77 (130 pays en développement).

Il a cependant exclu de quitter les négociations.

L'absence dans le texte danois de référence au Protocole de Kyoto, seul traité à imposer (jusqu'à fin 2012) des contraintes aux pays industrialisés et la fixation d'un objectif global de réduction (-50% en 2050 par rapport à 1990) des émissions polluantes ont été perçues comme une tentative d'imposer des engagements aux pays en développement avant que les riches n'assument les leurs.

Le pays hôte de la conférence dément toute existence d'un «texte secret».

Mais la négociatrice française Laurence Tubiana estime que cette fuite organisée par les ONG a fourni une «mise en scène utile au G-77 pour attaquer la présidence danoise». «Elle va limiter ses possibilités d'action dans les prochains jours».

Période pendant laquelle d'autres textes pourraient selon elle être mis sur la table, émanant de l'AOSIS ou du Groupe Afrique, qui souhaitent réaffirmer leur attachement au protocole de Kyoto.

Mais les pays en développement s'inquiètent surtout du manque de visibilité sur le financement du prochain accord.

Les seules promesses claires à ce stade concernent le déblocage immédiat d'environ 10 milliards de dollars par an dès l'an prochain et sur trois ans, pour aider les pays les plus vulnérables.

«C'est indispensable, à condition qu'il y ait quelque chose derrière», note Pierre Radanne, observateur de longue date des négociations et conseiller des Africains francophones, qu'il dit «au bord du désespoir».

Aucun pays industrialisé n'a précisé le montant de sa contribution, alors que les politiques d'adaptation au changement climatique des pays les plus pauvres sont évaluées à plus de 50 milliards de dollars par an d'ici 2050.

L'Union européenne estime que 100 milliards par an seront nécessaires pour l'adaptation de ces pays et les politiques d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, sans préciser sa contribution.

Le conseil européen jeudi et vendredi à Bruxelles a peu de chances de clarifier les choses: les dirigeants européens devraient juste tenter de s'entendre sur une aide immédiate de deux milliards d'euros (3 milliards de dollars environ) par an aux pays pauvres, mais l'UE n'a aucune intention d'avancer seule, sans les États-Unis notamment.

Ils devront aussi surmonter leurs divergences sur l'opportunité de porter à Copenhague l'objectif européen de réduction des émissions à -30% pour 2020 (par rapport à 1990) en cas d'accord mondial, contre un objectif de 20% actuellement.

«Ce qui renvoie la grande partie de poker» à la fin de la conférence, prévue le 18 décembre, en présence des chefs d'État et de gouvernement, commente Pierre Radanne.