L'agriculture souffre des changements climatiques. En première ligne. Surtout dans les pays où l'alimentation repose encore sur une agriculture paysanne, en manque de moyens techniques. Des intempéries peuvent ruiner des récoltes en moins de deux.

Et des intempéries, il y en a de plus en plus. «Le réchauffement climatique multiplie les tempêtes, augmente le niveau de la mer, les vagues de chaleur et favorise les épisodes de sécheresse et de pluie», a expliqué hier le phytologue Bert Drake, du Centre de recherches sur l'environnement Smithsonian. Le scientifique a participé à la Conférence sur la sécurité alimentaire de l'Université McGill. À ses côtés, ses collègues sont arrivés au même constat: cette température qui joue aux montagnes russes n'aura pas le même effet dans l'hémisphère Nord, où se trouvent des pays à l'agriculture très solide, que dans l'hémisphère Sud, où se trouvent des pays en développement qui n'ont pas les moyens d'adapter leurs cultures à de nouvelles réalités climatiques.

«C'est difficile de parler d'adaptation dans certains pays où la priorité est de trouver de la nourriture pour la consommer immédiatement», a expliqué Bano Mehdi, du Centre en gestion des ressources en eau de l'Université McGill.

Selon elle, les changements climatiques vont inévitablement exacerber les différences entre le Nord et Sud. D'autant plus que, dans certains pays nordiques, au Canada notamment, un réchauffement de la planète peut être plutôt favorable, sur le plan de l'agriculture. Quelques degrés de plus peuvent allonger une saison de récolte, ce qui n'est pas pour déplaire aux cultivateurs. Alors que dans certains pays du Sud, des cultures sont à leurs capacités maximales avec la température actuelle. Plus de chaleur, a expliqué Bano Mehdi, mènera à une diminution des rendements.

Si on ajoute à cela des épisodes d'intempéries extrêmes, on se retrouve avec des récoltes compromises. On n'a qu'à voir ce qui se passe actuellement avec la canne à sucre. La sécheresse indienne de l'été vient d'être suivie d'inondations records dans certains États. Ces intempéries du bout du monde ont fait bondir le prix du sucre jusqu'ici. La température n'est pas plus clémente au Brésil: il a tant plu que la récolte de canne s'annonce très mauvaise. Ces deux pays produisent plus de la moitié du sucre consommé sur la planète.

Le prix des aliments pourrait tripler

La semaine dernière, une étude de l'Institut de recherches internationales sur les politiques alimentaires s'est aussi intéressée aux conséquences du réchauffement climatique sur l'assiette. Celle d'ici, mais surtout celle des pays en voie de développement. D'ici 40 ans, le prix des aliments pourrait tripler, a conclu l'étude. Il sera à la hausse, réchauffement de la planète ou non, mais les changements climatiques aggraveront la situation. L'Institut américain calcule une hausse de 194% pour les prix du blé et de 121% pour celui du riz. Les rendements de ces deux cultures baisseront de 30% et 15%, respectivement.

Cette équation laisserait 25 millions d'enfants mal nourris de plus sur la planète en 2050.

Selon l'auteur de l'étude, Gérald Nelson, des investissements en agriculture, dans des régions ciblées, pourraient prévenir ce scénario catastrophe: «Il faut investir dans la recherche agricole, l'amélioration de l'irrigation et dans des routes rurales pour permettre aux agriculteurs pauvres de mieux accéder aux marchés.»