Après avoir vu dans l'arrivée d'Obama l'aube d'une nouvelle ère sur le climat, les Européens déchantent à trois mois du sommet de Copenhague, et les plus virulents d'entre eux reviennent à la charge avec l'idée d'une taxe carbone aux frontières pour se protéger.

«J'avoue que je suis très inquiet sur l'issue de Copenhague. Les négociations sont dangereusement proches de l'impasse en ce moment», s'est inquiété lundi à New York le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. L'Union européenne a déjà peu ou prou fait une croix sur les réunions cette semaine de l'ONU, puis du G20 aux États-Unis, qui à leurs yeux ne devraient guère permettre d'avancée dans les négociations visant à lutter contre le réchauffement. Les priorités du moment sont ailleurs.

«Il y a d'autres sujets qui sont jugés très importants à l'heure actuelle» avec la crise économique et financière, souligne un responsable européen, sous couvert d'anonymat.

En revanche, de l'avis des Européens, les États-Unis en premier lieu et les pays émergents à leur suite, doivent commencer à abattre leurs cartes concernant leurs intentions de réduction des émissions lors de la réunion de l'ONU qui suivra à Bangkok le 28 septembre.

«On doit vraiment réaliser de gros progrès à Bangkok», sous peine d'aller à l'échec en décembre au sommet mondial de Copenhague, censé accoucher d'engagements en vue de limiter la hausse des températures à deux degrés d'ici 2050, souligne une négociatrice proche de la présidence suédoise de l'UE.

Problème: les tractations s'enlisent car l'administration Obama est accaparée par d'autres dossiers et que le Congrès américain rechigne à accepter rapidement des engagements trop contraignants.

«Il est temps que les dirigeants du monde se réveillent», vient de dire le premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt.

«Les États-Unis sont moins désireux de montrer l'exemple, ils font preuve d'un manque d'ambition», explique la source proche de l'équipe de M. Reinfeldt. «Il y a un changement d'état d'esprit à l'heure actuelle, le priorité d'Obama est à la réforme du système de santé, plutôt qu'au climat».

Tout n'est pas noir. Le premier ministre japonais Yukio Hatoyama vient de créer la surprise en annonçant que le Japon allait tenter de réduire de 25% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 par rapport à 1990.

L'UE prévoit de son côté une baisse de 20% au moins, allant jusqu'à 30% en cas d'accord international. Mais selon ses calculs, les États-Unis ne proposent à l'heure actuelle qu'une baisse de 7%. Et Washington cherche à fixer des objectifs les plus lointains possibles par crainte d'un retour de bâton des milieux économiques.

Dans ce contexte, certains pays européens comme la France, partisans d'un mécanisme de protection de l'UE face aux importations venant de pays insuffisamment vertueux, donnent à nouveau de la voix.

Jusqu'ici assez isolée, Paris vient d'obtenir le ralliement remarqué de l'Allemagne sur l'idée d'une taxe carbone aux frontières. Mais «le sujet reste très controversé entre les pays de l'UE», prévient la source suédoise, les pays libéraux ne voulant pas en entendre parler.

Pour la France, l'UE doit utiliser cette menace comme instrument de pression dans les négociations sous peine d'en repartir bredouille.

«Il ne serait pas acceptable que les efforts des pays les plus ambitieux soient compromis par les fuites de carbone qui résulteraient de l'absence ou de l'insuffisance d'action de certains», ont écrit le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel dans leur courrier commun.

Mais à la Commission européenne, on estime que «le temps n'est pas venu» d'en parler.