À la faveur d'un été torride, des dizaines de milliers de kilomètres carrés supplémentaires de banquise ont fondu dans l'Océan arctique, les chercheurs n'excluant pas un nouveau record.

À Tuktoyaktuk, village perdu dans l'extrême Nord-Ouest canadien, à plus de 2400 km au nord de Seattle, Eddie Gruben, 89 ans, observe la banquise depuis des décennies, et l'a vu se retirer. Mais aujourd'hui, la glace est à environ 128 kilomètres au large. «Il y a 40 ans, elle était à 64 km», note le patriarche. Au cours du siècle écoulée, les températures ont augmenté de 0,6 degrés centigrades. Mais dans l'Arctique, les températures ont augmenté deux fois plus vite, au minimum. Et ce à cause des gaz à effet de serre, accusent les scientifiques.

Fin juillet, le mercure frôlait les 30 degrés dans ce village où vivent 900 Inuvialuit, nom des populations de l'Arctique occidental. «L'eau était vraiment chaude. Les gosses se baignaient dans l'océan», raconte Gruben.

Début août, selon le U.S. National Snow and Ice Data Center (NSIDC, basé au Colorado), la banquise s'étendait sur 6,75 millions de kilomètres carrés, après avoir rétréci en moyenne de 106 000 kilomètres carrés par jour en juillet, soit l'équivalent de trois Belgique quotidiennes.

Ce taux était équivalent à celui enregistré en juillet 2007, l'année où la fonte a atteint un record, la banquise n'étant plus en septembre que de 4,3 millions de kilomètres carrés.

Les conditions atmosphériques de cet été ont été similaires à celles de l'été 2007, y compris les hautes pressions, avec les ciels clairs et une fonte importante dans la mer de Beaufort, le bras de l'Arctique au large de l'Alaska du nord et du Nord-Ouest canadien.

Selon les scientifiques, la composition même de la glace de mer a évolué ces dernières années: sa forme principale n'est plus cette glace épaisse vieille de plusieurs années, mais une glace plus fine, annuelle, qui se solidifie l'hiver et fond l'été.

La fonte des glaces depuis 2007 semble avoir poussé cette des sections de banquise en désintégration, mais encore épaisse jusqu'au passage du Nord-Ouest, le chenal relativement étroit par où l'eau circule entre les îles arctiques canadiennes. Ces deux derniers étés, des passages habituellement infranchissables étaient libres de glace.

«Nous avons besoin de températures chaudes avec des vents est ou sud-est pour casser cette glace et la faire remonter vers le nord», explique par courriel Mark Schrader, skipper du voilier «Ocean Watch,» depuis l'entrée ouest du passage.

Ce navire scientifique, brise-glaces à la proue renforcée d'acier, effectue actuellement une circumnavigation des Amériques de 40 232 kilomètres, pour étudier l'impact du réchauffement climatique sur les écosystèmes des continents.

Pour les écologistes, l'une des préoccupations principales liées à la fonte de la banquise est la survie des ours polaires. Mark Schrader n'en n'a vu qu'un seul, vers l'Alaska, qui a nagé avec son bateau alors qu'il gagnait la mer.

En septembre, les satellites d'observation diront aux scientifiques si la fonte des glaces a battu un record cette année. Puis le soleil commencera à se faire de plus en plus rare et, pendant plusieurs mois, les basses températures de l'hiver arctique feront que la surface de la mer gèlera à nouveau.

À Copenhague, en mars, la conférence de l'ONU sur le changement climatique avait constaté que le changement était plus rapide qu'anticipé. Un mois plus tard, les océanographes américains prédisaient que les étés arctiques seraient quasiment libres de glace d'ici 30 ans, et non pas à la fin du XXIe siècle, comme ils le pensaient auparavant.