Le Turkménistan, pays d'Asie centrale, est en train d'acheminer des milliards de mètres cubes d'eau pour créer un gigantesque lac artificiel en plein désert.

L'autocratique président turkmène, Gurbanguli Berdymukhamedov, a inauguré jeudi en grande pompe ce projet pharaonique digne des grands travaux de l'ère soviétique, dont les experts craignent toutefois qu'il ne déclenche une catastrophe écologique.

Il s'agit de créer un lac de 2 000km2, profond d'environ 70m, dans la dépression naturelle de Karashor, située dans le désert de Karakum, dans le nord du Turkménistan. Ce «Lac de l'âge d'or» devrait contenir plus de 1.300 milliards de mètres cube d'eau et sera alimenté par les surplus d'eaux irriguant les champs de coton du pays, acheminés par un réseau de canaux de 2 650km de long.

Le remplir prendra une quinzaine d'années et coûtera jusqu'à 4,5 milliards de dollars (3,1 milliards d'euros). Pour le président Berdymukhamedov, l'objectif est ni plus ni moins de faire fleurir le désert, et d'y créer un nouveau biotope. «Nous avons ramené la vie sur ces sables autrefois sans vie. Je suis convaincu que l'on se souviendra avec gloire de ces grands actes», a déclaré le président turkmène lors d'une cérémonie d'inauguration organisée jeudi devant un millier de personnes. «Ces canaux seront une source majeure d'irrigation pour transformer le désert de Karakum en une oasis florissante», a-t-il ajouté.

Les experts sont, eux, beaucoup plus sceptiques, expliquant que les surplus d'eau des champs de coton sont pollués par les insecticides et engrais de toutes sortes. Selon certains d'entre eux, l'eau pourrait également rapidement s'évaporer sous l'effet de la chaleur.

L'ampleur de l'entreprise n'est toutefois pas inhabituelle au Turkménistan, pays dont les fantasques dirigeants hésitent rarement à donner dans la démesure. L'ancien dictateur Saparmurat Niyazov, initiateur du «Lac de l'âge d'or» avant sa mort en 2006, avait ainsi mené à bien plusieurs grands projets de construction, dont une tour surmontée par une statue en or à son effigie tournant sur elle-même pour être constamment illuminée par le soleil.

Pendant des dizaines d'années, les biotopes des pays d'Asie centrale ont souffert des projets d'irrigation de l'ère soviétique. La mer d'Aral, qui borde le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, était ainsi autrefois la quatrième plus grande mer intérieure du monde, mais s'est aujourd'hui asséchée de près de 90%, entraînant la disparition de multiples espèces de poissons.

Le gouvernement turkmène affirme pour sa part que le «Lac de l'âge d'or» aidera à la conservation de l'environnement et à la gestion de l'eau, même si certains observateurs craignent que les ingénieurs du pays détournent en réalité les eaux du fleuve Syr Darya, qui longe la frontière avec l'Ouzbékistan au nord, pour l'alimenter. Une hypothèse qui pourrait déclencher une querelle entre les deux pays et infliger de nouveaux dommages à l'environnement local.