Des dizaines de millions de personnes seront forcées de quitter leur terre et parfois leur pays inondé ou desséché dans les décennies à venir, posant des problèmes inédits de sécurité et de statut, relève une étude internationale présentée mercredi à Bonn.

Selon les projections, le nombre de migrants atteindra de 25 à 50 millions en 2010, jusqu'à 700 millions en 2050. L'Organisation internationale des migrations (OMI) s'en tient à une estimation médiane de 250 millions en 2050.L'étude «In search of Shelter» (À la recherche d'un abri), conduite dans 23 pays et présentée en marge des négociations du nouvel accord contre le réchauffement, insiste pour que la communauté internationale intègre la dimension de ces migrations dans le futur traité international.

«Si des mesures fortes ne sont pas prises pour freiner le réchauffement global, les conséquences des migrations et des déplacements pourront atteindre une échelle sans précédent», insiste l'un des auteurs, Charles Ehrhart, responsable Climat à Care-international. «Les conséquences sur la sécurité seront dévastatrices».

L'ONG a été associée à l'Institut pour l'environnement et la sécurité de l'Université des Nations unies (UNU-EHS) et à l'Université Columbia de New York pour conduire ces recherches.

Le déplacement des populations est généralement motivé par un ensemble de facteurs sociaux et économiques, mais l'influence du changement climatique est déjà croissante», explique Koko Walter, de l'UNU.

«Près du tiers de la population mondiale est concernée par la fonte des glaciers, l'augmentation du niveau de la mer, les risques d'inondations dans un premier temps, de sécheresse à long terme», relève M. Ehrhart. «Mais là où les déplacements dus aux catastrophes naturelles ou aux guerres sont généralement temporaires, cette fois les gens devront quitter leurs terres sans espoir de retour».

Les principales régions concernées sont les méga-deltas d'Asie - Gange et Mékong - celui du Nil, mais aussi l'Amérique centrale et le Sahel en Afrique de l'ouest, où 65% des terres cultivables sont déjà dégradées sous l'effet de la sécheresse, note l'étude.

Si 12 à 14% de la population égyptienne pourrait être forcée à se déplacer, livrée à la fois à la sécheresse et à la montée des eaux, les 40 petits états insulaires, particulièrement bas au-dessus des océans, risquent tout simplement de couler.

«Les Maldives (un archipel de 1.200 îles) envisagent de protéger et d'adapter 25% de leur territoire, et d'abandonner les 75% restants. Que faire si un État souverain disparaît ? Ca ne s'est jamais produit: qui sera responsable de ces gens», demande le responsable de Care.

Pour la plupart, les populations chercheront abri à l'intérieur de leur pays, d'autres seront forcées de traverser les frontières: mais les pays les plus pauvres sont sous-équipés pour faire face à cette pression supplémentaire, estiment les auteurs.

Aussi le futur accord, qui doit être adopté en décembre à Copenhague, doit donner une «priorité absolue» aux populations les plus vulnérables dans les schémas de financement. «Les migrations doivent être reconnues comme un élément important de l'adaptation» au changement climatique, insiste Charles Ehrhart.

Enfin, il devra se pencher sur le statut de ces foules chassées de leur foyer par les éléments, mais qui ne correspondent pas aux «réfugiés» définis par la Convention de Genève.

«Nous n'utilisons pas ce terme, qui implique des obligations légales et suppose une persécution. La nature ne persécute pas», relève Mme Walter.