Craignant d'être dévastés, voire purement et simplement rayés de la carte, les petits Etats insulaires, de Tuvalu (Pacifique) à la Grenade (Caraïbes), donnent de la voix dans les négociations internationales sur le climat. Avec un certain succès.

A Poznan (ouest de la Pologne), étape cruciale avant un accord international, ils viennent de réclamer au monde des objectifs plus ambitieux: limiter la hausse des températures moyennes de la planète à 1,5°C par rapport aux niveaux pré-industriels.

Une hausse de 2°C, référence généralement admise qui semble d'ores et déjà extrêmement difficile à atteindre, aurait «des conséquences dévastatrices», a mis en garde l'Alliance des petits Etats insulaires (Aosis), qui compte 43 membres rassemblant 41 millions de personnes.

«C'est une question de survie pour nombre d'entre nous. Il s'agit d'une menace sur le gagne-pain des populations, d'une menace sur l'existence même de certains pays», résume Leon Charles, de la Grenade, qui dirige la délégation de l'Alliance à Poznan.

Pour ces petites îles, la menace liée au changement climatique est multiple, concrète, terriblement parlante.

Le blanchiment des coraux, réservoirs naturels de poissons, met en péril l'approvisionnement alimentaire. La montée des eaux, qui pourrait atteindre jusqu'à un mètre d'ici la fin du siècle, selon certaines études, menace le tourisme, source de revenus souvent essentielle.

«Nombre de nos aéroports sont situés à moins d'un mètre au-dessus du niveau de la mer», souligne Albert Binger, délégué d'Antigua-et-Barbuda (dans les Antilles), qui représente la Communauté des Caraïbes à Poznan.

«Notre pays est très montagneux, presque tout le monde vit sur la côte. La moindre élévation du niveau des mers aura un impact sur toute la population», explique Nyasha Hamilton, déléguée de Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

Le cas de certains pays qui pourraient être purement et simplement submergés, donne une illustration concrète du changement climatique qui reste parfois difficile à appréhender concrètement.

L'atoll de Tuvalu, dans l'océan Pacifique, dont les habitants pourraient devenir les premiers véritables «réfugiés climatiques», a raconté l'histoire de sa probable disparition sous les flots.

Les Maldives, petit Etat de l'océan Indien dont le point le plus élevé est situé à 2,3 m d'«altitude», s'organisent: elles viennent d'annoncer leur intention de créer «un fonds souverain» alimenté par le tourisme pour acheter des terres.

Au-delà d'une histoire «parlante», le positionnement de ces Etats insulaires, qui ont «dix ans d'avance par rapport à certaines délégations» selon les termes d'un délégué, est aussi lié au dynamisme et à l'habileté de ses représentants, souvent aidés par de fins juristes. A Poznan, ils viennent de proposer un mécanisme d'assurance qui permettrait d'anticiper les bouleversements à venir.

Il y a un an, lors du dernier grand rendez-vous climat, à Bali, l'un de leurs représentants avait marqué les esprits.

Lors de l'ultime assemblée plénière, Kevin Conrad, délégué de Papouasie Nouvelle-Guinée, avait apostrophé les Etats-Unis, devant une salle pleine à craquer où la tension atteignait son paroxysme, pour les exhorter à faire enfin preuve de «leadership» ou «à dégager».

Saluée par une longue ovation, l'intervention avait poussé la chef de la délégation américaine, Paula Dobriansky, à reprendre la parole pour annoncer qu'elle signerait la «feuille de route».

«Les petits Etats insulaires sont bien organisés, il mettent des propositions sur la table. Ils ont réussi à communiquer et, à travers cela, à exercer une pression politique», a commenté un négociateur européen à Poznan.

«On n'entend pas les Africains réussir cela. C'est dommage».

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