Le climat change : au fil des études et des observations scientifiques, la menace et les effets du réchauffement se précisent, avec, sur des phénomènes cruciaux tels que la fonte des glaces, une accélération par rapport aux prévisions.

«On prévoit d'ici la fin du siècle un bond climatique qui pourrait être équivalent à celui que la planète a franchi en 10.000 ans», rappelait début novembre le glaciologue français Claude Lorius, ne cachant pas son pessimisme.

Au moment où s'ouvrent, à Poznan, en Pologne, des négociations internationales pour donner une suite au protocole de Kyoto, nombre de scientifiques tirent la sonnette d'alarme.

Plus qu'une nouvelle étude qui aurait fondamentalement changé «notre perception de l'urgence», la science «continue à nous rappeler que le temps presse et que nous devons rapidement et fortement réduire nos émissions (de gaz à effet de serre)», résume le climatologue américain Peter Frumhoff.

La référence dans le domaine est celle des experts du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Dans son dernier rapport, publié en 2007, il affirmait que le changement climatique, désormais «sans équivoque», était «très vraisemblablement» (90% de certitude) dû aux activités humaines (gaz, charbon, pétrole).

Concernant ses effets, certaines lignes ont bougé depuis cette date.

«La glace de mer de l'Arctique disparaît plus rapidement que ce que nous avions anticipé», reconnaît l'Américaine Susan Solomon, qui a présidé l'un des groupes de travail.

«En 2007, il y a eu énorme baisse (...) Certaines études évoquaient alors un type de vents particuliers, mais l'année suivante a été similaire et ces vents n'étaient plus présents», explique-t-elle.

Une question, plus controversée, porte sur l'ampleur de la fonte de la calotte glaciaire, qui recouvre le continent antarctique et le Groenland. Débat crucial car, contrairement à la glace de mer, cette fonte provoque la montée du niveau des océans, qui menace des dizaines de millions de personnes à travers le monde.

«Nous ne savons toujours pas», affirme Susan Solomon, qui souligne que si le détachement d'immenses plateformes de glaces est impressionnant, en tirer des enseignements nécessite une extrapolation source de vastes incertitudes.

Le Giec, qui tablait initialement sur une élévation du niveau des mers de 18 à 59 centimètres d'ici la fin du siècle a renoncé à donner une fourchette haute du fait des interrogations persistantes sur ce point.

Certains chercheurs évoquent désormais une montée des eaux pouvant atteindre deux mètres en 2100.

«Que l'on ait sous-estimé de 10, 20, 30, 40 cm, c'est possible. Mais ceux qui vont au-delà d'un mètre n'ont aucune base scientifique pour le dire. Il faut rester rigoureux», tempère le climatologue français Jean Jouzel, membre du bureau du Giec.

«La situation est suffisamment alarmiste pour qu'on en fasse pas plus», ajoute-t-il, soulignant l'amplitude des changements à venir et rappelant que la stabilité du climat a été «un des moteurs du développement de nos civilisations depuis 10.000 ans».

Au-delà de la publication d'une myriade d'études dans les revues spécialisées, l'urgence climatique pose, avec davantage d'acuité, la question de la place des scientifiques dans le débat.

Pour Frumhoff, à l'origine d'une lettre ouverte signée par 1.700 chercheurs et économistes américains, l'«inertie politique» face à l'urgence climatique justifie un positionnement différent, plus militant.

«Depuis deux ans, un nombre croissant de scientifiques très respectés ont montré qu'ils étaient prêts (...) à mettre de côté leur casquette d'objectivité pour parler comme citoyens», explique-t-il.