À une semaine des élections fédérales, quelque 230 économistes canadiens parmi les plus influents au pays s'immiscent dans la campagne: ils exigent une action immédiate contre le réchauffement planétaire, une intervention qui passe par l'imposition d'une taxe sur le carbone.

Les signataires dévoileront ce matin une lettre ouverte, obtenue par La Presse, où ils joignent leurs voix pour «que soient mises en oeuvre des politiques efficaces pour lutter contre les changements climatiques».

 

S'excusant presque de prendre cette position en pleine crise des marchés financiers, ils justifient leur geste en précisant: «Nous ne pouvons soutenir une économie saine sans un environnement sain.»

Non partisan

Les signataires, qui présentent leur geste comme non partisan, viennent principalement du milieu universitaire. On retrouve des personnalités connues du Québec, comme Jean-Thomas Bernard, Pierre Fortin et Claude Montmarquette, des titulaires de chaires, des membres de l'Ordre du Canada et des présidents d'organisations comme l'Association canadienne des économistes et l'International Banking, Economics and Finance Association.

La lettre qu'ils signent se décline en 10 points et se lit comme un manifeste environnemental basé sur des principes économiques. L'objectif déclaré est l'établissement d'une «politique publique de préservation de l'environnement».

Voilà d'ailleurs à leurs yeux une des rares problématiques sur lesquelles la plupart des économistes s'entendent. Pourquoi celle-ci? «Parce qu'en l'absence d'une telle politique, les individus n'ont généralement pas d'incitation à prendre en compte les conséquences environnementales de leurs actions. Il en résulte une défaillance du marché qui mène à des niveaux excessifs de pollution», notent-ils.

Affirmant que toute action - y compris l'inaction - aura des conséquences économiques importantes, ils avancent que la tarification du carbone est incontournable, qu'elle se fasse par l'entremise d'une taxe ou d'un système d'échange de permis de polluer.

On précise cependant que la Bourse du carbone est complexe et incertaine. Contrairement à la taxe sur le carbone qui, elle, a le mérite d'être simple et peu dispendieuse.

«Une stratégie de taxation bien planifiée introduirait la taxe graduellement et l'augmenterait progressivement et de manière prévisible, écrit-on. Ceci procurerait aux investisseurs le degré de certitude nécessaire à la bonne marche de leurs affaires, tandis que les consommateurs pourraient s'ajuster aux changements graduels des prix.»

Un coup de pouce aux libéraux

Bien que les économistes se disent non partisans, il n'en reste pas moins qu'ils donnent un sérieux coup de pouce aux libéraux, car la taxe sur le carbone est au coeur du Tournant vert, le plan du chef, Stéphane Dion.

Cela est d'autant plus vrai que l'on propose également de redistribuer les fruits de cette taxe en baisses générales d'impôts, comme le suggère également le Parti libéral (les verts proposent aussi une taxe sur le carbone, mais ils redistribueraient différemment les revenus amassés).

Moins coûteux

«Si la révision du système de taxation est faite intelligemment, note-t-on, le Canada pourrait bénéficier d'un système moins coûteux pour l'économie, favorisant ainsi la croissance au bénéfice de tous les Canadiens.»

Ils reconnaissent par ailleurs que l'action gouvernementale aura un coût «substantiel» pour la collectivité, mais ils enjoignent les candidats politiques de ne pas s'en servir pour justifier leur inaction. De toute façon, ajoutent-ils, les coûts du laisser-aller seront plus élevés que ceux de l'action.

«Dans quelques décennies à peine, les conséquences des changements climatiques pourraient être catastrophiques si des actions concrètes ne sont pas entreprises dès maintenant, affirment-ils. Même ceux qui demeurent sceptiques face au consensus scientifique actuel doivent envisager les coûts du statu quo. Il sera trop tard pour agir si on attend des certitudes.»

Pour en savoir plus: econ-environment.ca

COURRIEL

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