Pour lutter contre les changements climatiques, il faudra réduire radicalement les émissions de gaz à effet de serre au Canada et partout dans le monde. En fait, pour éviter les conséquences les plus graves des changements climatiques, les émissions devront être réduites de plus de la moitié, et peut-être même de plus de 80 % d'ici 2050.

De telles réductions, même si on les étale sur plusieurs dizaines d'années, impliquent de profondes transformations du système énergétique mondial et l'implantation de technologies qui permettront d'éliminer ou de réduire considérablement les émissions. Ces transformations exigeront des efforts bien plus grands que ceux consentis jusqu'à maintenant par le Canada et les autres pays, et ces efforts devront être soutenus pendant plusieurs décennies.Dans le contexte actuel où les leaders mondiaux commencent à réaliser l'ampleur des transformations nécessaires, les Canadiens font face à deux importants dangers : ceux qui résultent des changements climatiques, et ceux qui découleront de l'inaction du pays. En effet, si le Canada n'agit pas et attend que les autres pays prennent l'initiative, le pays risque d'être forcé à poser des gestes dictés par d'autres, qui pourraient s'avérer moins efficaces et plus coûteux que nécessaire. Pour éviter ces problèmes et pour assumer nos responsabilités envers le monde et envers nos petits-enfants, nous demandons aux gouvernements, aux entreprises et aux citoyens canadiens d'adopter une nouvelle approche beaucoup plus sérieuse à l'égard des changements climatiques. De plus, nous, signataires, comme citoyens et au nom de nos organisations, nous nous engageons à travailler de concert pour concrétiser cette nouvelle approche. Voici les principaux éléments qui doivent guider nos actions.

Il faut agir maintenant

Malgré des années de consultations et plusieurs générations de programmes gouvernementaux, les émissions de gaz à effet de serre du Canada n'ont pas diminué, mais ont plutôt augmenté de plus de 25 % depuis 1990. Il faut donc adopter une nouvelle approche, qui commande des actions immédiates et concrètes pour réduire les émissions. Bien sûr, il faudra aussi établir des plans à plus long terme, poursuivre les analyses et continuer à discuter des cibles et des stratégies à adopter au niveau national et international. Cependant, on ne peut remettre à plus tard les gestes que l'on peut poser immédiatement sous prétexte que nous n'avons pas encore établi des cibles et des stratégies complètes à long terme, d'autant plus que ces cibles et stratégies devront être réévaluées en cours de route. Nous savons déjà que les transformations requises sont majeures. Or, les possibilités de réduction immédiates sont nombreuses, mais plusieurs sont perdues à chaque mois. Il faut opérer des changements dès maintenant tout en continuant d'élaborer des plans à plus long terme et de peaufiner les stratégies de coopération mondiale.

Un défi commun et leadership gouvernemental

La lutte aux changements climatiques exigera des efforts de la part de toute la société canadienne, des producteurs aux consommateurs, des citoyens aux grandes entreprises, et ce dans tous les secteurs d'activités et dans toutes les régions. Jusqu'ici, la principale lacune demeure l'absence de politiques et de mesures efficaces de la part des gouvernements. Bien que les gouvernements ne peuvent régler à eux seuls le problème des changements climatiques, l'adoption de mesures claires, efficaces et durables est fondamentale pour favoriser le leadership et des gestes concrets requis dans toutes les sphères de la société. Au Canada, il y a d'innombrables possibilités de réduction des émissions qui pourraient être stimulées par des mesures incitatives bien ciblées. Ces mesures pourraient alors être implantées à coût raisonnable, et elles pourraient même engendrer des avantages économiques, transformant le Canada en un chef de file mondial dans l'élaboration de solutions pour lutter contre les changements climatiques.

Un élément fondamental : récompenser financièrement les réductions

Les politiques pour ralentir les effets des changements climatiques doivent comprendre des mesures qui attribuent un coût financier aux émissions de gaz à effet de serre, comme une taxe sur les émissions, un système de plafonnement et d'échange de droits d'émissions, ou une combinaison des deux. De pareilles mesures permettent d'utiliser les forces du marché pour récompenser le leadership, l'innovation et les investissements qui entraînent des réductions des émissions. Pour que ces mesures soient efficaces, elles doivent être appliquées de façon uniforme à l'ensemble de l'économie canadienne. Elles peuvent être conçues de manière à ne pas nuire à la compétitivité du pays et à ne pas affecter l'équilibre budgétaire des gouvernements. Il faudra aussi adopter d'autres politiques pour renforcer les incitatifs dans les secteurs prioritaires, comme le transport et les bâtiments, pour appuyer la recherche et le développement et pour répartir les coûts de façon équitable. Par contre, les mesures pour attribuer un coût aux émissions doivent constituer le coeur de la stratégie de lutte aux changements climatiques, et le prix initial doit être fixé à au moins 30 $ par tonne d'équivalent de CO2.

Réviser complètement notre système énergétique

Il faut mettre au point et implanter des technologies à faibles émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible. De nouvelles technologies pourraient être appliquées à grande échelle dès maintenant, et d'autres solutions très prometteuses pourront s'y ajouter alors que les recherches progresseront. Pour limiter les changements climatiques, il faut à la fois miser sur des investissements immédiats, sur le soutien populaire et sur une nette augmentation des activités de recherche, de développement et de réalisation de projets-pilotes dans le secteur énergétique. Il faut aussi coordonner le processus décisionnel de manière à faciliter le déploiement des infrastructures associées aux nouvelles énergies. Compte tenu de l'ampleur du défi que représente la lutte aux changements climatiques, il ne faut rejeter d'emblée aucune solution, notamment l'efficacité énergétique, les systèmes décentralisés, les systèmes centralisés à grande échelle et les technologies de captage des émissions. Les signataires de cette déclaration n'identifient aucune technologie spécifique comme étant la solution et ils reconnaissent aussi qu'il n'est pas possible de savoir à l'heure actuelle quelle combinaison technologique s'avérera la plus efficace à l'avenir.

Gérer l'incertitude

Les risques et les incertitudes font partie de notre monde. Nos entreprises qui réussissent le mieux ne sont pas celles qui sont paralysées par le risque, mais bien celles qui savent le gérer intelligemment. Plusieurs aspects relatifs aux changements climatiques comportent des incertitudes. Attendre d'avoir des certitudes avant d'agir constituerait une décision à haut risque, et même irresponsable. L'incertitude actuelle commande une action immédiate parce qu'attendre risque d'entraîner des changements climatiques plus importants et une réduction de notre marge de manoeuvre future. À cause des incertitudes, nous devrons aussi adapter nos actions au fil du temps en fonction de l'avancement des connaissances sur les changements climatiques, du coût de réduction des émissions, des solutions technologiques choisies, des résultats des politiques gouvernementales et des gestes posés par les autres pays.

Opter pour des politiques claires et simples

Certaines mesures proposées pour réduire les gaz à effet de serre sont presque aussi complexes que les lois et règlements sur l'impôt... Des politiques trop complexes présentent deux principaux désavantages. D'une part, elles risquent d'engendrer un jeu du chat et de la souris où certains tenteront de profiter des lacunes du système plutôt que de réaliser des investissements et de développer des technologies concrètes pour réduire les émissions. D'autre part, avec des politiques trop complexes, il devient difficile de rendre compte des progrès accomplis et d'apprendre à partir des gestes précédents ainsi que de responsabiliser les décideurs quant aux résultats. Parce que nous devons nous concentrer sur la résolution du problème, apprendre en cours de route et favoriser la responsabilisation, les politiques et les mesures doivent être aussi simples et transparentes que possible. Par ailleurs, à mesure que les incitatifs pour réduire les émissions seront renforcés dans l'ensemble de l'économie, il faudra mettre de côté les politiques qui visent des technologies ou des secteurs en particulier. Il faudra non seulement harmoniser les politiques internes du Canada, mais aussi celles de nos principaux partenaires commerciaux.

Nous faisons face à un défi historique : transformer fondamentalement le système énergétique du Canada de manière à limiter les changements climatiques. En fournissant un effort sérieux et soutenu, nous pouvons relever ce défi. Bien sûr, le Canada ne peut pas régler le problème à lui seul. Par contre, si nous nous croisons les bras en attendant que les autres agissent, les changements climatiques vont continuer à prendre de l'ampleur, nous allons perdre l'occasion d'élaborer nos propres solutions et nous aurons renié nos responsabilités envers le monde. Avec la nouvelle approche que nous proposons, nous espérons éviter les conséquences les plus graves des changements climatiques tout en assurant la prospérité du Canada et en réaffirmant son leadership mondial. Les Canadiens doivent faire un choix et ils doivent le faire dès maintenant.