Le ministre français de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a évoqué lundi la fermeture de «peut-être jusqu'à 17» réacteurs nucléaires, soit un tiers du total, pour permettre la transition énergétique à l'horizon 2025, mais tout reste encore ouvert dans ce vaste chantier aux multiples inconnues.

En France, le parc nucléaire, qui compte actuellement 58 réacteurs en activité, est le deuxième plus important du monde en puissance, après celui des États-Unis, et assure 75% de la production d'électricité.

Une loi votée en 2015, sous le quinquennat du président socialiste François Hollande, prévoit de réduire cette part à 50% à l'horizon 2025 mais de nombreux experts jugent cette échéance difficile à tenir.

«Pour tenir cet objectif, on va fermer un certain nombre de réacteurs (...) peut-être jusqu'à 17 réacteurs, il faut qu'on regarde», a dit le ministre sur la radio RTL.

«Ca va nous obliger mécaniquement à fermer un certain nombre de réacteurs. Il faut simplement s'y préparer», a-il ajouté en fin de journée, à l'occasion  d'un déplacement sur le terrain, estimant que «c'est bien d'envisager tous les scénarios».

Ces déclarations ont été faites quelques jours après la présentation du grand «plan climat» du quinquennat du président Emmanuel Macron : Nicolas Hulot avait alors défini un certain nombre d'orientations dans le secteur de l'énergie, sans totalement convaincre les observateurs, faute de mesures concrètes, notamment sur les moyens de réduire la part du nucléaire.

«C'est une annonce extrêmement intéressante, parce que pour la première fois on a un chiffre», a déclaré à l'AFP Charlotte Mijeon, un des porte-parole du réseau Sortir du nucléaire, tout en invitant le ministre «à concrétiser cette annonce et à aller plus loin».

Composé de 19 centrales, toutes exploitées par le géant EDF, détenu à quelque 83% par l'Etat, le parc nucléaire français est vieillissant, les trois-quarts des réacteurs devant atteindre leurs 40 ans d'ici à 2027. Et les exigences de sûreté et les investissements colossaux nécessaires pour prolonger la durée de vie des centrales compliquent la donne.

Cette prolongation au-delà de 40 ans est suspendue à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui a rappelé lundi qu'elle devrait se prononcer «plutôt en 2019» sur la question.

Fessenheim, un précédent difficile

EDF plaide pour une telle prolongation, estimant qu'elle permettrait de préparer plus sereinement le remplacement de ses réacteurs. Mais cela impliquerait 48 milliards d'euros d'investissements sur la période 2014-2025.

La fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), doyenne du parc nucléaire français, située sur une faille sismique dans l'est de la France près des frontières avec la Suisse et l'Allemagne, a été difficilement entérinée, dans les derniers jours du mandat de François Hollande. Elle ne devrait intervenir qu'au moment de la mise en service de l'EPR de Flamanville (ouest), à l'heure actuelle prévue pour 2019.

Cette fermeture est vivement contestée par des élus régionaux et les syndicats d'employés d'EDF, ce qui laisse augurer de difficultés en cas de fermetures supplémentaires.

Florian Philippot, vice-président du Front national (extrême droite), a fustigé lundi une «folie aussi démagogique que dangereuse» : «fermer autant de réacteurs en un temps aussi court (...) se fera soit au détriment du pouvoir d'achat des Français, soit au détriment de la planète, soit les deux, s'il s'agit d'importer de l'électricité en provenance des centrales à charbon allemandes par exemple», a-t-il dit.

Les capacités de production d'électricité à partir du charbon et du fioul sont en baisse, tandis que le développement des énergies renouvelables (éolien, solaire) est confronté à différents défis technologiques, notamment en matière de stockage d'énergie.

«La plus grosse difficulté c'est l'intermittence», souligne François-Marie Bréon, chercheur au laboratoire des Sciences du climat et de l'environnement, interrogé par l'AFP.

L'éolien et le solaire sont des énergies qui sont produites quand les conditions météorologiques sont favorables, «donc on est obligé d'avoir autre chose» en complément, pour prendre le relais, explique-t-il.

Face aux risques liés à l'approvisionnement énergétique, la France serait alors amenée, selon cet expert, à utiliser des centrales thermiques au gaz, émettrices de CO2.

Dans ce cas de figure, Paris pourrait avoir des difficultés à tenir ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'objectif étant d'atteindre en 2030 une diminution de 40% par rapport au niveau de 1990.