« Les fortes concentrations de gaz à effet de serre marquent l'avènement d'une nouvelle réalité climatique », annonce l'Organisation météorologique mondiale dans son rapport annuel sur les gaz à effet de serre.

En effet, le taux de gaz carbonique (CO2), le principal gaz à effet de serre, a définitivement franchi la barre des 400 parties par million (ppm) dans l'atmosphère cette année, qui par ailleurs pulvérise des records de chaleur.

1. Un ppm, c'est pas grand-chose, mais...

On mesure le CO2 dans l'atmosphère en parties par million. Cela semble petit, mais il ne faut pas sous-estimer la puissance de ce gaz comme « douillette ». Tout comme un bon parka peut nous protéger des moins 30 degrés de nos hivers, il suffit de peu de gaz carbonique pour absorber l'énergie des rayons infrarouges et la relâcher sous forme de chaleur. Tout est une question de dosage. L'atmosphère de Vénus est composée à 96 % de CO2 - 24 000 fois plus que l'atmosphère terrestre - et la température à sa surface est de plus de 470 degrés Celsius. Sur Terre, de faibles variations dans le taux de CO2 produisent d'importants changements dans la biosphère.

2. Du carbone en l'air pour des millénaires

La petite molécule de CO2 qu'on émet aujourd'hui en appuyant sur l'accélérateur pourra contribuer au réchauffement pendant des siècles, voire des millénaires. Environ la moitié du CO2 émis par l'humanité est absorbée par les plantes et surtout les océans. L'autre moitié restera dans l'atmosphère pour une période s'étendant sur 100 à 100 000 ans, explique Damon Matthews, climatologue à l'Université Concordia. « Les émissions qu'on fait aujourd'hui ont un impact sur le climat pendant des centaines d'années », affirme de son côté Martin Leduc, climatologue au consortium Ouranos.

3. De 280 à 350, à 400, à...

Avant l'ère industrielle, et pendant au moins 400 000 ans, le taux de CO2 n'a jamais été supérieur à 300 ppm. Il a commencé à augmenter au XIXe siècle avec l'exploitation du charbon. Mais le phénomène s'accélère. Jusqu'en 1970, ce taux augmentait d'environ 1 ppm par année. Dans les années 2000, c'était 2 ppm par année. Et pour la première fois en 2015, le taux de croissance du CO2 dans l'atmosphère a été supérieur à 3 ppm. Entre 1990, quand le taux était de 350 ppm, et aujourd'hui, l'humanité a ajouté 100 milliards de tonnes de carbone dans l'atmosphère, estime Damon Matthews. « Et d'ici 15 ans au rythme actuel - ou 20 ans tout au plus si on cesse d'augmenter les émissions -, on aura atteint 450 ppm », dit-il.

4. Il était une fois... la mer à Montréal

La dernière fois que l'atmosphère terrestre a contenu 400 ppm, il y a 3 millions d'années, il y avait des forêts partout en Arctique et l'océan y était libre de glace. Et le niveau de la mer était 25 mètres plus élevé qu'aujourd'hui. Cela veut dire de l'eau salée dans le port de Montréal... et une plage sur le boulevard René-Lévesque. Évidemment, le niveau des océans ne variera pas d'un seul coup, bien que la hausse s'accélère actuellement. On parle d'une hausse de 1 mètre d'ici 2100. S'il fallait que le Groenland fonde, cela pourrait prendre des milliers d'années. Mais justement, le CO2 que nous émettons aujourd'hui est là pour des centaines ou des milliers d'années.

5. Quelles conséquences ?

Selon Damon Matthews, un taux stabilisé à 400 ppm aurait pu permettre de limiter le réchauffement à 1,5 degré. Mais au mieux, on se dirige vers 450 ppm, ce qui correspond à un réchauffement de 2 degrés. On reconnaît ici les objectifs du Sommet de Paris et on mesure le défi qu'ils représentent. Mais ce n'est pas tout, note Martin Leduc : « Si on reste à 450 pendant longtemps, la température va se stabiliser, mais d'autres éléments du système vont continuer à évoluer, comme la fonte des calottes glaciaires et la hausse des océans. Il y aussi le débalancement des écosystèmes marins, avec l'acidification des océans. » Et les effets du réchauffement varient selon les régions. « Jusqu'ici, on parle d'un réchauffement de 1 degré global, mais au Québec, c'est 1,8 degré. »

6. L'effet fertilisant et ses limites

Le carbone de l'atmosphère est la matière première des plantes et des algues. Par la photosynthèse, les plantes se servent de l'énergie du soleil pour absorber le CO2 et le décomposer. Le carbone (C) sert à fabriquer des fibres et des sucres, en combinaison avec l'hydrogène soutiré à l'eau. La plante ou l'algue libère ensuite l'oxygène (O2) que nous respirons. Selon une étude récente de la NASA, l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère a stimulé la croissance des plantes. Mais ce phénomène a ses limites et ralentira, estime les auteurs de cette étude. Sans oublier que le CO2 a des effets dévastateurs dans l'océan, avec le CO2 qui se transforme en acide carbonique au contact de l'eau.