Fusées artisanales décorées avec art, hommes habillés en femmes pour déchaîner les foudres des dieux... Au Laos, pour faire enfin commencer la saison des pluies, tous les moyens sont bons.

Dans le centre de ce petit pays communiste coincé entre Thaïlande et Chine, le village de Houa Xeing a envoyé ce week-end dans le ciel ses fusées faites maison.

Des dizaines de fusées soigneusement décorées ont été sorties des jardins et transportées dans les champs qui jouxtent le temple bouddhiste.

Cette fête traditionnellement célébrée dans le nord-est de la Thaïlande et dans une partie du Laos est appelée «Bun Bang Fai» (festival des fusées).

En Thaïlande comme au Laos, pays à large majorité bouddhiste, les fêtes d'inspiration animiste sont nombreuses, notamment dans les campagnes.

Pour le «Bun Bang Fai», les hommes s'y déguisent en femmes, certains tenant un phallus en bois à la main, «afin de mettre les dieux en colère», explique le site de l'office du tourisme. «Pour se venger, les dieux sont censés envoyer des éclairs», marquant la très attendue saison des pluies.

Traditionnellement, les fusées étaient construites en bambous, mais aujourd'hui beaucoup utilisent des tuyaux de canalisations.

«Ma fusée est montée très haut. C'était beau, je suis très content», s'enthousiasme San Pommati, fermier de 42 ans.

Avant le décollage, ce dernier a fait le voeu que les esprits gardent sa famille «en bonne santé et heureuse». Pour Sa Yoopakdi, 18 ans, et ses amis, c'est une première.

«Nous avons collecté de l'argent pour pouvoir construire une fusée. C'est à la fois la tradition et tellement drôle», explique la jeune vendeuse, avant de rejoindre sa bande qui multiplie les égoportraits devant sa fusée.

À chaque lancement, tout le clan familial, qui a soigneusement décoré de branches et fleurs la fusée, se rassemble, dansant et chantant un verre à la main. Et surtout encourageant les responsables de l'installation.

Car c'est aussi une affaire de compétition: un jury évalue les performances des fusées en fonction de la hauteur atteinte, de leur puissance au décollage, mais aussi de la forme esthétique du nuage de fumée.

«C'est une tradition de remercier les esprits et de leur demander de bénir nos travaux, nos récoltes», explique Somthet Surasont, membre du comité d'organisation de l'événement.

L'attente est particulièrement forte cette année, alors que l'Asie du Sud-Est est touchée par une forte sécheresse.

D'après le journal officiel Vientiane Times, les provinces du nord-ouest du Laos sont les plus touchées. Selon le ministère de l'Agriculture, les plantations de riz ont dû être reportées dans de nombreuses régions.

Au Laos, plus des trois quarts de la population vivent de l'agriculture vivrière. D'après les données de la banque mondiale, 23 % des près de 7 millions de Laotiens vivent sous le seuil de pauvreté.