À 78 ans, David Suzuki n'a rien perdu de sa verve et de sa passion pour la protection de l'environnement. Au point où il est difficile de le croire lorsqu'il affirme que la Tournée bleu Terre, qui était de passage à Montréal dimanche, sera sa dernière tournée pancanadienne.

Mais l'environnementaliste passe le flambeau à la jeune génération et espère maintenant qu'elle réussira à faire inscrire le droit à un environnement sain dans la Constitution canadienne.

«C'est sept semaines sur la route dans un autobus, je ne crois pas que je veux encore le faire, mais ça ne signifie pas que je me retire et que je ne fais plus rien ou ne prends plus la parole», a souligné M. Suzuki en entrevue avec La Presse au parc Maisonneuve, où se tenait le Grand rassemblement des générations, organisé par la fondation qui porte son nom.

«J'ai passé ma vie à lutter contre tel barrage, telle coupe d'arbres, tel forage, mais cette tournée est un effort différent. On essaie maintenant de mobiliser les gens pour quelque chose de grand», explique-t-il.

Ce quelque chose est la reconnaissance par la Charte canadienne des droits et libertés du droit de chaque citoyen à vivre dans un environnement sain.

«L'air pur, des sols propres, de l'eau claire devraient être garantis pour tous les Canadiens. Selon Santé Canada, un Canadien sur deux respire de l'air qui est pollué !, ajoute-t-il. What the hell is going on?»

«Ce que des gens comme David Suzuki réalisent, c'est qu'après 40 ans de lutte, on est obligé de refaire les mêmes batailles», explique Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation Suzuki. Selon lui, la reconnaissance du droit à un environnement sain donnerait ainsi un recours pour contester des décisions gouvernementales ou d'entreprises.

«On exporte du pétrole sur des pétroliers à partir de Sorel sur le Saint-Laurent, qui est la source d'eau potable d'un Québécois sur deux. À Lac-Mégantic, ça faisait des années qu'on disait que la voie ferrée était dangereuse. Si les gens avaient eux un recours, ils auraient probablement pu arrêter les convois de train avec du pétrole de schiste», déplore M. Mayrand.

Un recul inquiétant

M. Suzuki et M. Mayrand estiment qu'au fil du temps, la population s'est parfois sentie découragée et impuissante, et le mouvement a parfois reculé, tandis que les pétrolières sont devenues plus puissantes et plus influentes. «Beaucoup de gens se sont désengagés, et moins la démocratie est en santé, plus c'est facile pour les grandes sociétés de faire ce qu'elles veulent», souligne M. Mayrand.

«Quand on regarde ce que fait TransCanada [et ses travaux de forages dans le fleuve Saint-Laurent au large de Cacouna] et quand j'entends le premier ministre Couillard parler... j'ai l'impression qu'il est un relationniste de TransCanada, ce n'est pas normal», ajoute M. Mayrand.

Présent au rassemblement, François Croteau, maire de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, a décidé de mobiliser la classe politique. L'arrondissement a adopté à l'unanimité la déclaration du droit à l'environnement sain, lundi dernier. Un geste symbolique qui encouragera les élus à se mobiliser à leur tour pour que le droit soit reconnu, espère le maire. «Il ne faut pas céder à l'argument économique. Il faut que l'on comprenne qu'en sacrifiant l'environnement, c'est l'économie de demain qu'on sacrifie», souligne-t-il. Son parti Projet Montréal proposera sous peu au conseil de ville d'adopter la déclaration.