Une nouvelle coalition demande une réforme de la réglementation nautique fédérale, «basée sur la science», afin notamment d'enrayer les dommages causés par les bateaux à fort sillage (ou wakeboats) sur les rives de nombreux plans d'eau.

De son côté, l'industrie des sports nautiques conteste les conclusions d'une étude dont La Presse a fait état la semaine dernière, et qui recommande d'éloigner ces bateaux à 300 m des rives.

«La racine de tous nos maux de tête, c'est la Loi sur la marine marchande, qui date de la Confédération», affirme Will Dubitsky, porte-parole de la Coalition pour la navigation responsable et durable.

Cet économiste et ancien fonctionnaire fédéral réside à Ivry-sur-le-Lac, dans les Laurentides.

Comme plusieurs, il estime que cette loi est désuète et ne parvient pas à protéger les plans d'eau des dommages causés par les embarcations. «C'est comme si on essayait de laver les vitres avec un marteau, dit-il. Ce n'est pas une loi environnementale.»

Il compte s'appuyer sur l'étude rendue publique le mois dernier et réalisée par Yves Prairie, de l'Université du Québec à Montréal, une sommité mondiale de limnologie, la science des lacs.

«La solution, c'est des normes nationales en collaboration avec les provinces afin de classifier des cours d'eau ou des sections de cours d'eau selon des critères basés sur la science», précise M. Dubitsky.

«Il faut savoir quelle est la tolérance environnementale de nos plans d'eau, explique-t-il. Dans l'étude d'Yves Prairie, il faut 300 m pour que l'effet des vagues soit atténué. Si on n'a que 600 m entre deux rives, peut-être que le lac est trop petit.»

C'est justement ce que craint David Patterson, président-directeur général de Ski nautique et planche Canada.

«Les conclusions très larges de l'étude nous inquiètent, dit-il. Ce n'est qu'une étude préliminaire et elle n'a pas été publiée dans une revue scientifique. Et le critère d'impact zéro qui a été choisi n'est pas approprié. À ce compte-là, quel est l'impact d'un canot ou d'un nageur? Aucune activité n'a zéro impact.»

Il conteste les observations de plusieurs riverains qui affirment subir une érosion accélérée de leur terrain depuis l'apparition des wakeboats et de leurs vagues surdimensionnées.

«On a vu peu de preuves de ceci, affirme-t-il. Je ne veux pas contester des cas individuels, mais en général, l'érosion causée par les bateaux n'est rien comparée à celle due aux facteurs naturels.»

Cependant, il reconnaît qu'il ne dispose d'aucune étude sérieuse sur la question pour appuyer ses affirmations. «On est disposés à participer à une étude plus approfondie, mais on n'a pas les moyens d'en réaliser une», précise-t-il.

Un colloque à l'automne

De son côté, la Coalition pour la navigation responsable et durable compte organiser un colloque l'automne prochain sur la question afin de réunir des experts de plusieurs disciplines.

Les travaux serviraient à faire des propositions après la prochaine élection fédérale de l'automne 2015. M. Dubitsky, qui a travaillé 36 ans dans la fonction publique fédérale, dans plusieurs ministères, jusqu'à sa retraite en 2012, s'emploie depuis les derniers mois à créer une coalition qui deviendrait «trop grosse pour être ignorée». «Actuellement, on a une bonne base au Québec et on commence à avoir une base en Colombie-Britannique», dit-il.

Il affirme que les communautés qui voient naître la discorde au sujet de l'utilisation des plans d'eau doivent réaliser qu'elles vivent toutes le même problème.

«Transport Canada veut qu'on épuise toutes les options non réglementaires avant de faire une demande d'un nouveau règlement, affirme-t-il. Mais un code de conduite volontaire exige un consensus de 100%. Le résultat, c'est qu'il y a un dialogue de sourds entre le lobby de ceux qui veulent des bateaux puissants et ceux qui veulent des mesures de contrôle.»

M. Patterson, quant à lui, se dit très satisfait du processus en place... sauf lorsqu'il donne des résultats comme au lac Massawippi, où une marge de 250 m a été établie, par consensus entre toutes les parties concernées, afin d'éloigner les bateaux à fort sillage des berges.

«Le consensus, c'est une bonne chose, mais on doit s'assurer de ne pas bloquer l'accès aux plans d'eau, dit-il. Quand les règles changent d'un plan d'eau à l'autre, c'est une forme de blocage.»

Selon M. Dubitsky, l'évolution rapide de l'industrie, avec des bateaux de plus en plus puissants, est une raison supplémentaire d'intervenir. «Les bateaux de marque Moomba et Malibu font entre 330 et 550 chevaux, dit-il. C'est du même ordre que les camions-remorques de marque Volvo. Peut-être qu'il y a un problème?»

Un lobby discret

Au cours de la dernière semaine, La Presse a demandé plusieurs fois, sans succès, des commentaires à l'Association canadienne des fabricants d'embarcations au sujet de l'impact des bateaux à fort sillage sur l'environnement. Cette association est enregistré comme lobbyiste auprès de plusieurs ministères fédéraux depuis 2008. Dans un mémoire de 2011 présenté au Comité des finances de la Chambre des communes, l'Association affirmait que le nautisme générait des impacts économiques de 26 milliards, ainsi que 373 000 emplois directs et indirects.