La mûre et la goyave enchantent les palais mais, dans les Galapagos, la prolifération de ces espèces introduites menace la survie de la végétation locale, nécessaire à l'écosystème extrêmement fragile du célèbre archipel équatorien.

Terminés les jus et délicieuses confitures élaborés sur place. Les gardiens du Parc national des Galapagos (GPN) ont pour consigne d'éradiquer ces fruits et autres plantes importées il y a plusieurs décennies dans cette réserve naturelle, isolée dans l'océan Pacifique, à 1000 kilomètres des côtes de l'Équateur.

«La goyave, la mûre et la lantana (une plante fleurie originaire d'Amérique et d'Afrique, NDLR) se sont converties en fléau», lance à l'AFP Marco Paz, un botaniste qui s'occupe d'une serre de 600 m2 dans le sud-ouest de San Cristobal, l'une des îles de l'archipel, à laquelle on accède par le petit port de Puerto Baquerizo Moreno.

«Ce sont elles qui ont pris le plus de place dans les terres agricoles et les zones protégées», poursuit-il.

L'objectif est de les remplacer par des plantes autochtones qui ont peu à peu perdu du terrain face à l'expansion de ces espèces devenues indésirables.

Tout en arrosant des centaines de jeunes pousses, plantées dans la terre noire de ce sol particulièrement fertile, le botaniste insiste sur le fait que, si rien n'est entrepris, les espèces locales sont «menacées d'extinction car celles qui ont été introduites ne vont pas tarder à envahir de grands espaces».

L'archipel des Galapagos, classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco depuis 1978, comprend 127 îles et îlots occupant une surface totale de 8000 kilomètres carrés. Sur quelque 1423 plantes identifiées, 61% d'entre elles ont été introduites.

«Outre les espèces comestibles, les gens ont apporté depuis des décennies des plantes pour les jardins comme la lantana, sans se douter de ce qui allait advenir. Certaines sont devenues envahissantes comme la mûre et la goyave, qui se reproduisent dans la nature», raconte M. Paz, en dorlotant une «calandrinia galaposa», une plante herbacée ornée d'une fleur typique de l'archipel.

Le botaniste explique que les plantes introduites se propagent beaucoup vite que les espèces natives plus délicates, à l'image des scalesia: ces arbres dont les branches se terminent par une tête fleurie font actuellement l'objet d'un programme de replantation.

«Il faut leur donner un traitement spécial, les graines sont fragiles et leur germination ne s'effectue pas autant qu'on le souhaiterait», souligne cet expert qui, grâce à l'héritage transmis de père en fils, sélectionne d'un oeil sûr les meilleurs graines lors de ses déplacements.

«Le but est de repeupler des zones de la réserve écologique et mettre en place des exploitations afin de réduire l'impact des espèces introduites», ajoute-t-il en précisant qu'elles «affectent aussi la faune», progressivement privée de son alimentation naturelle dans cet archipel, célèbre notamment pour avoir inspiré la théorie de l'évolution au naturaliste britannique Charles Darwin.

L'an dernier, le programme de reforestation sur San Cristobal a couvert quelque 16 hectares avec 7500 plantes locales, ainsi que des plants de café arabica qui ont été remis aux agriculteurs afin de les inciter à coopérer. «Le café a besoin d'ombre et c'est ce que lui offre la scalesia», glisse M. Paz.

Pour 2013, l'objectif est faire germer pas moins de 40 000 plants dans les serres des îles de San Cristobal, Santa Cruz et Isabela.