Alors que la première ministre de l'Alberta Alison Redford est à Washington afin de promouvoir le projet de pipeline Keystone XL, le Congrès des États-Unis a entendu un son de cloche différent aujourd'hui, avec le témoignage de l'économiste canadien Mark Jaccard.

Professeur à la retraite de l'Université Simon Fraser, M. Jaccard s'est adressé au Comité de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants.

Il est l'un des coauteurs de Global Energy Assessment, un important rapport international publié l'automne dernier.

Ce rapport visait à tracer une voie concrète vers une stabilisation du climat en examinant les sources de gaz à effet de serre (GES) reliées à l'énergie, en fonction des données scientifiques sur le «budget carbone», soit la quantité maximale de gaz carbonique que l'atmosphère peut encore absorber.

«Nous avons calculé le budget carbone pour toutes les sources d'énergie, dit M. Jaccard, en entrevue avec La Presse. Il est clair que toute installation qui permet de tripler la production des sables bitumineux fait partie d'un scénario qui nous amène à 6, 7 ou 8 degrés de réchauffement en 2100. Ce qui est catastrophique.»

M. Jaccard n'affirme pas que les sables bitumineux seraient responsables de ce réchauffement à eux seuls. «Vous pouvez prendre tous les sables bitumineux, tout le charbon du Wyoming ou du Shanxi en Chine, dit-il. Pris individuellement, ils ont tous un impact marginal. Mais il faut regarder l'ensemble.»

Et dans cet ensemble, le pétrole lourd et coûteux n'a pas sa place sur le marché, si on met en place des mesures pour freiner les émissions de gaz à effet de serre (GES), sous forme de taxe ou de droit d'émission.

De toute manière, dit-il, on ne peut brûler plus de 30% des réserves actuelles de charbon, pétrole et gaz si on veut espérer limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius, la cible officielle de la Conférence de Copenhague en 2009.

Les conclusions de l'équipe de M. Jaccard rejoignent celles de plusieurs autres grandes institutions, comme l'Agence internationale de l'énergie. Mais, déplore-t-il, «les gens au gouvernement Harper et ailleurs font tout pour ne pas regarder le problème dans son ensemble».

M. Jaccard croit que le président Barack Obama pourrait changer le cours de l'histoire en refusant le projet Keystone XL. «On a vraiment besoin d'une action globale sur les changements climatiques, dit-il. Le gouvernement américain pourrait utiliser cette décision pour faire en sorte que les émissions de gaz à effet de serre diminuent au Canada, tout comme elles le font aux États-Unis.»

On ignore quel impact le témoignage de M. Jaccard aura, mais on peut noter que le président du comité, le Républicain Ed Whitfield, est un ancien distributeur d'huile dans la région des mines de charbon du Kentucky.