Pré-autorisation des participants et mandat restreint: on connaît maintenant les nouvelles règles de consultation publique au sujet des projets énergétiques adoptées par le gouvernement Harper.

Et elles font déjà l'objet d'une pluie de critiques.

Ces nouvelles règles dévoilées jeudi par l'Office national de l'énergie (ONÉ) s'appliqueront pour la première fois dans le cadre de la consultation au sujet du projet d'Enbridge d'inverser son pipeline nº9 entre Sarnia et Montréal.

Ce projet permettrait d'acheminer à Montréal du pétrole de l'Alberta, notamment en provenance des sables bitumineux.

Les nouvelles règles de l'ONÉ, qui découlent du projet de loi C-38 adopté en juillet dernier, permettent à l'organisme d'écarter toute intervention d'une personne qui ne subit pas un «impact direct» du projet. Autrement, il faudra faire la preuve qu'on détient des «renseignements pertinents ou une expertise appropriée».

Les personnes voulant simplement apporter un commentaire écrit sur le projet doivent dorénavant remplir au préalable un formulaire. Auparavant, la participation était ouverte à tous.

La porte-parole de l'ONÉ, Whitney Punchak, a refusé de dire à l'avance qui sera écarté du processus en vertu de ces nouvelles règles. «C'est un nouveau processus et on va évaluer au cas par cas, dit-elle. On encourage tout le monde à remplir un formulaire de participation.»

Mais tout dans cette procédure décourage la participation, affirme Me Jean Baril, spécialiste en droit de l'environnement. «Les dés sont pipés d'avance, dit-il. C'est carrément contraire aux principes de participation du public aux évaluations environnementales. Ils disent qu'ils ne tiendront pas compte des effets cumulatifs ni en amont ni en aval, ni des politiques et lois en matière de réduction des gaz à effet de serre. On n'a même pas commencé à remplir son formulaire et on est déjà découragés.»

En revanche, rappelle Me Baril, «le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ne fait pas le tri des questions qui sont abordées».

L'organisme Greenpeace annonce déjà qu'il ne participera pas aux audiences. «On est prêts à participer à une réelle consultation sur tous les enjeux du projet, devant le BAPE par exemple, mais on n'ira pas devant l'ONÉ», affirme en entrevue avec La Presse Patrick Bonin, de Greenpeace.

Les nouvelles règles ont été dénoncées par plusieurs groupes environnementalistes. «Envoyer un commentaire écrit à une agence publique à des fins d'évaluation est un droit fondamental», affirme Christian Simard, de Nature Québec.

Au bureau du ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, on assure que le gouvernement Harper reste engagé à ce que les évaluations environnementales demeurent rigoureuses.

« En concentrant la consultation aux personnes qui sont directement affectées par un projet étudié par l'ONÉ et aux experts avec des informations ou une expertise pertinentes, cela assure que l'évaluation est alimentée par des faits «, a indiqué le ministre dans une déclaration écrite.

De son côté, Enbridge a défendu les nouvelles règles. «C'est démocratique dans le sens que cela préserve l'intégrité des audiences afin que tous les points de vue soient évalués et soupesés équitablement», a fait savoir l'entreprise dans une réponse par courriel aux questions de La Presse.

Avec Martin Croteau