Corruption, meurtres, fraude fiscale, le commerce international de bois tropical est profondément vicié, concluent Interpol et le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), dans un rapport publié hier.

Le crime organisé a pris le contrôle de ce marché qui totaliserait 30 milliards par année.

La portion illégale du trafic représenterait jusqu'à 30 fois les volumes officiels. Et ce marché noir serait la cause de 50% à 90% de la déforestation dans les forêts tropicales.

L'ampleur du problème menace même la lutte contre les changements climatiques. Les émissions de carbone causées par la déforestation illégale seraient du même ordre que celles liées à tout le transport par avion, par route et par bateau sur la planète.

«Le crime organisé transnational est une menace qui pèse lourdement sur l'environnement, a déclaré par communiqué Ronald K. Noble, secrétaire général d'Interpol. C'est un problème qui demande une réponse judiciaire internationale forte, efficace et innovante, et ce, afin de protéger les ressources naturelles, de lutter contre la corruption et la violence liée à ce type d'activité qui peut également affecter la stabilité et la sécurité d'un pays.»

Le trafic de bois entraîne une foule de crimes dans son sillage en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. «L'exploitation illégale des forêts a majoritairement lieu dans des régions en conflit ou marquées par une corruption généralisée», affirme-t-on dans le rapport intitulé Carbone vert, marché noir.

Pots-de-vin et meurtres

À Kalimatan, en Indonésie, un pot-de-vin de 30 000$ donne accès à 20 km2 de forêt. Le bois est ensuite expédié illégalement en Malaisie, ce qui donne lieu à une «fraude fiscale massive».

Dans ce même pays, la production de bois provenant prétendument des plantations a augmenté beaucoup plus rapidement que la superficie des plantations, une impossibilité mathématique.

En République démocratique du Congo, 200 gardes forestiers ont été tués depuis 10 ans dans le parc national des Virungas, refuge de gorilles.

Au Brésil, 3000 entreprises auraient été impliquées dans un stratagème d'écocertification frauduleuse du bois destiné aux marchés des pays riches.

«L'exploitation illégale alimente directement de nombreux conflits», ajoute-t-on.

L'ampleur du problème est «beaucoup plus vaste qu'on ne le pensait initialement», affirment le PNUE et Interpol, qui énumèrent 30 méthodes utilisées pour «blanchir» le bois provenant d'activités illégales.

«Souvent, les fonctionnaires corrompus, les militaires et la police locale perçoivent des revenus jusqu'à 10 fois plus élevés que ce qu'ils percevraient s'ils entamaient les poursuites judiciaires prévues par la loi», affirme-t-on.

La Chine apparaît comme le plus grand acheteur de bois illégal, selon le rapport. La consommation de bois devrait y doubler d'ici à 2020.

Même au Québec

Mais ce bois de contrebande est offert ici, selon Éric Véraquin, propriétaire de l'Ébénisterie Renova, à Plessisville. Cette entreprise travaille à des projets commerciaux comme des hôtels ou des restaurants, ainsi qu'à des projets résidentiels.

«On trouve du bois illégal au Québec, mais personne ne le sait», dit-il.

Certains de ses clients exigent du bois de source vérifiée, mais d'autres non, précise-t-il. Même s'il se dit sensible au problème et surpris de son ampleur, il s'estime impuissant.

«C'est les donneurs d'ouvrage, les architectes, les promoteurs qui décident, dit-il. On répond à leur demande. On ne se renseigne pas si ça respecte la norme. On veut la job, c'est tout.»

«Si on veut avoir de l'ipé ou du cumaru pendant encore 200 ans, il faut des normes nationales. Mais il n'y a pas de police qui va débarquer chez moi si j'ai de l'ébène. On n'est pas rendus là.»

Heureusement, les modes passent, dit-il. «Il y a 10 ou 20 ans, tout le monde voulait de l'acajou du Brésil. Aujourd'hui, on travaille le bois indigène, le chêne, le noyer américain.»