Le stockage du dioxyde de carbone, prôné par nombre d'experts pour lutter contre le réchauffement climatique, est jugé hasardeux par des géophysiciens américains en raison du risque élevé de déclencher des séismes, alertent-ils dans une étude dévoilée lundi.

«Nous estimons qu'il y a une forte probabilité que des tremblements de terre seront déclenchés par l'injection de vastes volumes de CO2 dans les roches fragiles» le plus souvent trouvées dans la croûte terrestre, écrivent Mark Zoback et Steven Gorelick, professeurs de géo-mécanique à l'Université de Stanford (Californie), en conclusion de leurs travaux.

«Dans la mesure où même des séismes de petite ou moyenne puissance peuvent compromettre l'étanchéité des poches géologiques contenant le CO2 séquestré, nous pensons que, dans ce contexte, stocker de très grands volumes de ce gaz constitue une stratégie risquée», insistent-ils.

Vu ce risque, «cette stratégie pour réduire de façon importante les émissions de gaz à effet de serre serait probablement un échec», concluent ces scientifiques dont les travaux paraissent dans les Annales de l'académie américaine des sciences (PNAS), datées du 18 au 2 juin.

Pour qu'un stockage du CO2 (dissout dans de l'eau) fasse vraiment une différence à l'échelle de la planète pour réduire le réchauffement climatique, il faudrait en enfouir environ 3,5 milliards de tonnes par an, soit un volume équivalent à 28,6 milliards de barils de pétrole.

La production annuelle mondiale de brut est de 27 milliards de barils environ.

Risque de pression sur les failles existantes

«Avant de se lancer dans des projets aussi vastes que d'injecter dans le sous-sol de gigantesques volumes de CO2 et ce à de multiples emplacements dans le monde, il est important de savoir que ces dernières décennies, les réseaux modernes de surveillance sismique ont montré que les tremblements de terre se produisent quasiment partout à l'intérieur des continents», soulignent-ils.

Le stockage géologique à grande échelle de CO2 est pourtant considéré comme une solution viable par nombre d'experts pour réduire les émissions de ce principal gaz à effet de serre, dont la plus grande partie provient de la combustion de charbon dans les centrales électriques, soulignent ces deux géophysiciens.

Ils citent un rapport de 2005 du Groupe d'experts de l'ONU sur l'évolution du climat (Giec) préconisant cette solution.

Dans la mesure où la croûte terrestre est fortement sous tension à l'intérieur des continents, des injections de fluides dans des puits profonds (deux kilomètres de profondeur) tels des gisements pétroliers et gaziers en voie d'épuisement, peuvent provoquer des séismes en accroissant la pression à proximité d'une faille préexistante et potentiellement active, selon eux.

Cet effet a été pour la première fois observé dans les années 60 à Denver, dans le Colorado, quand des injections d'eau dans un puits de trois kilomètres de profondeur près de l'Arsenal militaire des Rocheuses a déclenché un tremblement de terre, précisent les auteurs de l'étude.

Une étude séparée publiée vendredi 15 juin, effectuée par l'Académie américaine des sciences, conclut aussi que la séquestration géologique du CO2  «peut potentiellement induire des tremblements de terre importants». Ce risque est en revanche jugé faible avec la fracturation hydraulique «pour extraire du pétrole ou du gaz dans les schistes bitumineux.

La combustion du charbon pour produire de l'électricité libère 2,1 milliards de tonnes de CO2 par an aux États-Unis soit 36% de la totalité des émissions carboniques américaines, précisent ces deux chercheurs.

Quant à la Chine, elle en a généré trois fois plus en 2011, ayant brûlé 6,95 milliards de tonnes de charbon pour produire de l'électricité, soit 80% de ses émissions totales de CO2.

Au total, ces deux pays sont les deux plus grands émetteurs de CO2 de la planète, responsables à eux seuls de 40% des émissions.