Devant la méfiance tenace envers les OGM en Europe, BASF va cesser de développer de nouveaux produits destinés exclusivement au marché européen et a annoncé lundi un recentrage de ses activités dans le secteur sur des régions plus clémentes, comme les États-Unis.

«Nous sommes convaincus que les biotechnologies vertes sont cruciales pour le XXIe siècle. Mais (elles) ne sont pas suffisamment acceptées dans de nombreuses régions en Europe par la majorité des consommateurs, des agriculteurs et des responsables politiques», a estimé au cours d'une conférence téléphonique Stefan Marcinowski, membre du directoire de BASF chargé des OGM.

«C'est pourquoi cela n'a pas sens économique de continuer à investir dans des produits devant être exclusivement cultivés dans ce marché», a-t-il ajouté.

Le groupe allemand, numéro un mondial de la chimie, avait bataillé une décennie durant pour obtenir en 2010 l'autorisation de commercialiser dans l'Union européenne Amflora, une pomme de terre OGM renforcée en amidon.

Mais peu de temps après, BASF avait cultivé par erreur dans un champ d'Amflora en Suède une autre de ses pommes de terre OGM, Amadea, pas encore autorisée par les autorités européennes.

Après ce scandale, «le sentiment européen vis-à-vis des produits transgéniques s'est encore dégradé», a déclaré M. Marcinowski, qui ne s'attend pas à un «changement rapide des mentalités».

Tandis que la Commission européenne a sobrement pris acte lundi de la décision de BASF, les organisations écologistes triomphaient, Greenpeace saluant ainsi sur twitter «une victoire pour les consommateurs» et un «pas en avant pour le développement de biotechnologies sûres».

BASF a décidé lundi d'arrêter totalement la culture et la commercialisation d'Amflora, entamée sur environ 300 hectares dans trois pays, mais qui se limitait, l'année dernière, à une parcelle de deux hectares en Allemagne. Aussi, ses ventes en 2011 ont été «quasi nulles», a précisé à l'AFP une porte-parole du groupe.

La recherche-développement sur d'autres produits transgéniques exclusivement consacrés au marché européen, comme une pomme de terre amidonnée résistante au mildiou et une variété de blé résistante aux champignons, va être également abandonnée.

En revanche, le groupe a décidé de laisser suivre leur cours les procédures de demande d'autorisation auprès de l'Union européenne de ses pommes de terre transgéniques déjà mises au point Amadea, Modena et Fortuna.

Le marché des pommes de terre renforcées en amidon, qui servent notamment à l'industrie du papier, du textile et des adhésifs, est restreint en dehors de l'UE car, «ailleurs dans le monde, l'amidon industriel est produit à partir d'autres cultures comme le maïs», a expliqué M. Marcinowski.

Les pommes de terre OGM représentent une goutte d'eau dans le segment des «biotechnologies vertes» de BASF, qui y a investi moins de 100 millions d'euros ces dix dernières années, sur un total d'un milliard deux cents millions d'euros pour l'ensemble de la division, a précisé M. Marcinowski.

Le groupe allemand place beaucoup plus d'espoirs dans sa coopération avec le géant américain des OGM Monsanto. Leur premier produit commun, un maïs résistant à la sécheresse, a été autorisé fin 2011 aux États-Unis. Et une variété OGM de soja de BASF résistant aux herbicides a déjà obtenu le feu vert au Brésil.

Avec son partenaire brésilien, l'institut de recherche agricole Embrapa, BASF travaille aussi sur un projet de canne à sucre OGM à haut rendement.

Pour se rapprocher des marchés nord et sud-américains, le groupe a également décidé lundi de délocaliser le siège de ses activités dans les biotechnologies vertes à Raleigh en Caroline du Nord (États-Unis), au détriment de deux sites allemands et d'une installation en Suède.

Au total, BASF va réduire ses effectifs de 140 personnes dans les biotechnologies végétales en Europe, mais va tenter de replacer ces salariés dans d'autres activités du groupe.

Des unités de recherche-développement dans les OGM à Berlin et à Gand en Belgique seront à l'inverse renforcées. Car «bien que les conditions pour la culture d'OGM soient défavorables en Europe, il y a des instituts de recherche et des universités de rang international» dans ce domaine, a relevé Peter Eckes, le responsable de la division des biotechnologies végétales.