Si les feuilles des marronniers d'Inde, plantés au XIXe siècle pour abriter les élégantes de Paris ou de Vienne, roussissent et chutent déjà, ce n'est pas en raison d'un automne précoce, mais d'une petite chenille venue des Balkans qui fait des ravages partout en Europe.

Cette «mineuse du marronnier», une larve de 5 mm de long qui donne vie à un micropapillon et se reproduit très vite, ne tue pas l'arbre, mais l'affaiblit. Elle a été découverte en Macédoine en 1984. Profitant de l'intensification des échanges et des transports, elle a migré vers le nord, l'est et l'ouest, «atteignant Vienne et les arbres ancestraux du château de Schönbrunn dès 1989, les premières zones françaises en 2000 et Londres en 2002», explique à l'AFP Sylvie Augustin, chercheuse en zoologie forestière.

Quasi absente d'Espagne et d'Italie, la «mineuse du marronnier» résiste à des températures extrêmes et a touché les pays nordiques, s'attaquant exclusivement aux marronniers blancs ou d'Inde, au feuillage sombre et aux somptueuses fleurs roses ou blanches, emblématiques des villes et des parcs et importé au XVIIe siècle comme arbre ornemental.

Le changement climatique, qui a accéléré la migration de la chenille processionnaire du pin vers le nord, ne serait pas responsable de la sienne, dit la chercheuse, qui explique toutefois son apparition cette année «avec un mois d'avance» par des températures printanières «très élevées».

«Les femelles pondent des oeufs minuscules au niveau des nervures, la première larve fait une galerie et les larves de deuxième et troisième génération l'agrandissent. On peut compter plus d'une centaine de larves par feuille», explique Mme Augustin.

Recherche d'un ennemi

À la mairie de Paris, Caroline Lohou, de la direction des espaces verts, constate avec tristesse les ravages de la chenille sur les marronniers d'alignement, dans les parcs, les jardins et les avenues plantés par le baron Haussmann, «17 000 à 20 000 arbres au total».

«Cette année, tout a démarré fin avril, début mai, explique-t-elle. On a des feuilles entièrement nécrosées. Cela provoque une fatigue de l'arbre. Petit à petit, il s'épuise et est plus exposé à d'autres maladies, car ses défenses immunitaires sont moins bonnes. Mais il n'y a pas de mortalité directe».

Selon elle, la chenille «prolifère beaucoup plus vite dans les endroits où on ne ramasse pas systématiquement les feuilles, notamment dans les grands parcs et les bois».

Pour ne pas utiliser de traitement insecticide toxique injecté dans le tronc de l'arbre, non autorisé en France et très coûteux, on ramasse et brûle les feuilles, selon Mme Augustin.

Les scientifiques recherchent aussi «des ennemis naturels» de la mineuse du marronnier. Ils en ont découvert un, une microguêpe qui la détruit et pourrait révolutionner la lutte biologique.

Selon David Lees, chercheur britannique du muséum d'Histoire naturelle de Londres, les recherches portent aussi sur des espèces de marronniers naturellement résistants (les marronniers rouges notamment) et des espèces hybrides.

En attendant, à Paris et dans d'autres régions, les jardiniers plantent des essences de plus en plus diversifiées, privilégiant notamment des espèces méditerranéennes en prévision du «réchauffement» climatique.