Coulé par les fuites de son réseau d'eau et jugé - injustement - trop gourmand en électricité, Montréal se classe au 19e rang parmi 27 villes canadiennes et américaines dans un tout nouveau palmarès des «villes vertes».

Toutes les villes canadiennes du classement arrivent devant Montréal. Calgary est au 14e rang, Ottawa, au 12e et Toronto, au 9e. La championne canadienne est Vancouver, qui se classe deuxième, après San Francisco et devant New York et Seattle.

Vancouver contribue à la domination de la côte Ouest dans le classement. La ville de Portland, aussi sur la côte Ouest, n'a pas été incluse au palmarès, mais le rapport la cite comme un exemple à suivre.

Ce classement est réalisé par l'Economist Intelligence Unit (EIU), influent service de recherche et d'analyse du groupe de presse britannique The Economist. Il est commandité par le géant industriel allemand Siemens.

L'EIU a déjà établi des classements semblables pour les villes allemandes, européennes, asiatiques et latino-américaines. La prochaine étape sera un palmarès mondial.

Exercice périlleux

Toute tentative de classement est un exercice périlleux et prête à la discussion, et celui-ci ne fait pas exception. Il repose sur neuf indices, dont certains font appel à des notions subjectives, comme la force des mesures environnementales municipales. D'autres reposent sur des données objectives, mais les comparaisons peuvent parfois être trompeuses.

«La liste des indicateurs me semble exhaustive et les indicateurs semblent bien faits, dit Georges Tanguay, professeur à l'École supérieure de gestion de l'UQAM. Mais ils ont donné le même poids à tous les facteurs, ce qui semble problématique.»

Le point fort de Montréal: les transports. La ville se classe quatrième pour ce critère grâce à l'étendue et à la densité de son réseau de transports en commun. De plus, bien que les temps de parcours soient plus longs que la moyenne pour l'ensemble de la région métropolitaine, les déplacements sont rapides et efficaces à l'intérieur des limites de la ville. Si, dans les 27 villes, seulement 13% des travailleurs se déplacent autrement qu'en auto, cette proportion est de 29% à Montréal, soit plus du double.

Au chapitre des transports, Vancouver devance quand même Montréal, après New York et San Francisco.

Un point faible: l'eau

L'équipe de l'EIU souligne à gros traits le taux de fuites du réseau d'eau de Montréal, le plus élevé des 27 villes, à 35%. «La Ville a beau faire la promotion des économies d'eau, tant que ses vieux tuyaux ne seront pas remplacés, les fuites vont continuer et, avec elles, la consommation», note le rapport. Classement: 26e. Calgary arrive première, grâce à une gestion serrée qui s'appuie principalement... sur des compteurs d'eau. Taux de fuites à Calgary: 4%

Du côté de l'énergie, Montréal se classe encore 26e sur 27, mais les raisons sont plus confuses.

Les auteurs déplorent le manque d'encouragement à la production d'énergies vertes sur le territoire municipal; mais, en même temps, il soulignent que c'est compréhensible, puisque 97% de l'électricité est déjà de source hydrologique. Mais Montréal consomme tout de même trois fois plus d'électricité que la moyenne des villes pour produire 1 million de dollars de biens ou de services.

C'est la ville de Denver qui se classe première, notamment parce qu'elle produit autant de biens et de services que Montréal avec cinq fois moins d'électricité. D'un autre côté, Denver se voit félicité pour son objectif de tirer 30% de son électricité de sources renouvelables d'ici à 2020, trois fois moins que la réalité à Montréal.

«L'indicateur de l'énergie fausse complètement le classement de Montréal, dit Jean-François Lefebvre, chargé de cours à l'UQAM et coauteur du livre Énergies renouvelables: mythes et obstacles. C'est une aberration. Si l'on consomme autant d'électricité à Montréal, ce n'est pas du gaspillage, c'est qu'on a remplacé beaucoup de pétrole. Los Angeles se vante d'avoir atteint (le seuil de) 20% d'énergie renouvelable, alors que nous sommes à 97%. C'est peut-être la plus grande lacune de ce classement.»

Un autre aspect qui fait mal à Montréal: sa relative pauvreté. Par exemple, les Montréalais sont parmi ceux qui émettent le moins de gaz carbonique par personne, mais Montréal tombe quand même au 10e rang dans cette catégorie. Pourquoi? Parce qu'il se produit relativement peu de biens et de services par tonne de gaz produite.

Les bonnes idées

Une étude de ce genre a au moins le mérite de faire circuler de bonnes idées.

Par exemple, Pittsburgh a lancé une «prime de densité» qui permet aux promoteurs de construire 20% plus haut avec des superficies 20% plus grandes que ne le permet le zonage à la condition que leur immeuble obtienne la certification écologique LEED.

New York et quelques autres villes se sont lancées dans la plantation de 1 million d'arbres.

San Francisco, qui recycle 77% de ses déchets, devance toutes les autres villes à cet égard. C'est la première ville en Amérique du Nord à avoir imposé la triple collecte (matières recyclables, matières compostables et ordures). Ce succès est aussi attribué à la facturation du service d'enlèvement des ordures, qui a été adopté dans 1200 villes du continent, dont Toronto.

Au chapitre des bonnes idées, BIXI permet à Montréal de se distinguer. Le rapport cite le système de vélos en libre-service dans sa liste des projets exemplaires.

Selon Gilles Sénécal, géographe à l'INRS Urbanisation, culture et société, la principale qualité du rapport Siemens est qu'il consacre un texte explicatif à chacune des villes. «Au moins, il y a un effort de mise en contexte, dit-il. Mais je ne m'inquiète pas de voir Montréal arriver au 19e rang. C'est à tout le moins discutable.»

>>> Consulter le classement et le rapport

Photo André Pichette, archives La Presse

Tout le feuilleton entourant la vente du volet international de BIXI a débuté en 2011 quand le vérificateur général de Montréal a souligné que la Ville ne pouvait mener des activités commerciales avec de l'argent public.