Sources d'énergie renouvelable ou obstacles à la dépollution des rivières? Moulins et microcentrales hydrauliques font l'objet d'un vif débat, alors que de nouvelles normes destinées à protéger les cours d'eau augmentent les coûts de production.

«On nous demande 88 000 euros d'investissement pour un chiffre de 22 000 euros pour nous mettre aux normes en 2012. Cela va nous conduire à arrêter la production», assure Étienne Gilbert, copropriétaire de la microcentrale de Brouains, dans la Manche.

«Malheureusement, tous les petits producteurs sont dans la même situation», regrette-t-il. Décidé à défendre ce qu'il voit comme «une ressource du futur», il a invité le public à visiter sa centrale samedi pour les Journées nationales des moulins. Un «appel du 18 juin», selon ce salarié d'une grande banque.

À quelques kilomètres de Brouains, l'entreprise Guérin de Tessy-sur-Vire exploite quatre microcentrales sur la Vire. Mais un récent arrêté préfectoral lui impose de tourner quatre mois par an au lieu de huit en attendant une mise aux normes.

«On est prêts à investir, mais il nous faut du temps. Les entreprises doivent pouvoir s'y retrouver financièrement», souligne Christophe Marion, directeur du développement de l'entreprise.

«C'est l'énergie renouvelable la moins chère. Ne gâchons pas le potentiel de la France», plaide Anne Penalba, présidente de France hydroélectricité, en appelant à une application raisonnable de la directive européenne imposant le retour à des eaux de qualité avant 2015.

La France est l'un des pays européens les plus dotés en «petit hydro». Elle compte 1700 microcentrales, dont 200 à 300 appartiennent à EDF. La production représente l'équivalent de deux réacteurs nucléaires, selon Anne Penalba.

La Fédération des moulins de France recense de son côté 30 000 moulins et assure que les propriétaires sont de plus en nombreux à vouloir produire leur électricité pour leur propre consommation.

Une convention de juin 2009 impulsée par le ministère de l'Energie plaide d'ailleurs pour «le développement» de l'hydroélectricité «en cohérence avec la restauration du milieu» aquatique.

Mais pour l'association France Nature Environnement (FNE), barrages et écologie sont antinomiques.

Selon FNE, les barrages des moulins et des microcentrales empêchent la migration des poissons et modifient la hauteur de l'eau, étouffant ainsi la végétation qui diminue les polluants agricoles. Ils perturbent également les «frayères», où les poissons se reproduisent.

«Sur la Vire, avec sept centrales sur quelques dizaines de kilomètres, on a 200 saumons qui remontent, alors qu'on devrait en avoir 2000. C'est un indicateur de pollution», dénonce Christian Allain de Manche nature, membre du réseau FNE.

La «délinquance écologique» ne vaut pas la chandelle énergétique, selon ce détracteur du «lobbying des hydro-électriciens».

«En aval de la Vire, les sept microcentrales, particulièrement médiocres, ont une puissance installée de 1,3 mégawatt au total. Une éolienne c'est 2,5 mégawatt», affirme-t-il.

Le Grenelle de l'environnement avait fixé un objectif de réduction du nombre de barrages en France, alors que le pays compte un ouvrage tous les quatre à cinq km de cours d'eau, selon Bernard Rousseau, administrateur de FNE.

À Bretteville-sur-Laize, près de Caen, Jean Morin, 80 ans, ne comprend pas ce qu'on reproche aux moulins. Ce plombier électricien retraité dit chauffer depuis 20 ans sa maison et sa piscine grâce à son moulin.

Selon lui, «c'est avec l'arrivée des engrais, après la guerre, que le nombre de poissons a baissé, pas à cause des moulins». «On en comptait 14 sur 10 kilomètres autrefois, il y en a quasi deux fois moins» aujourd'hui, fait-il remarquer.