La nature n'a pas de siège à l'ONU. L'ambassadeur de la Bolivie aux Nations unies, Pablo Solon, veut changer cela. Son pays a créé un ombudsman de la nature, et la loi bolivienne accorde maintenant des droits à tous les êtres vivants. M. Solon veut que la même logique s'applique dans le système international. Il doit prendre la parole aujourd'hui à la conférence Justice climatique et alternatives écologiques, à Montréal. Cette conférence, qui a lieu à l'UQAM, est la deuxième du genre, après celle qui s'est tenue à Cochabamba en Bolivie l'an dernier. La Presse a interviewé M. Solon au téléphone.

Q. Avec les conventions sur la biodiversité et le climat, les Nations unies ne s'intéressent-elles pas suffisamment à la nature?

R. Tous ces traités sont centrés sur les humains et leurs besoins, sur ce qu'un climat stable ou la biodiversité peuvent leur apporter. Mais il faut prendre soin du climat pas seulement pour les humains. Les animaux, les plantes, les forêts ont des droits. Les glaciers aussi. Et comme humains, nous devrions respecter ces droits.

Q. À Cancún, à la conférence sur le climat, la Bolivie a été le seul pays à s'opposer à l'accord final. Pourquoi?

R. On a dit que Cancún a peut-être permis de sauver le système multilatéral de négociation. Mais on a reculé sur la substance. Les pays développés nous mettent sur la voie d'un réchauffement de 4 degrés Celsius. C'est une voie catastrophique pour l'humanité.

Q. La Bolivie a été critiquée pour son opposition. Que s'est-il passé par la suite?

R. Nous avons reçu beaucoup d'appuis non officiels d'autres délégations. Et à Bangkok la semaine dernière, à une conférence de suivi sur le climat, nous avons rappelé que lors des 16 conférences qui ont précédé Cancún, 277 décisions avaient été adoptées sans aucune objection. Alors maintenant, quand on fait référence à ce qui s'est passé à Cancún, dans l'ordre du jour, on ne parle plus de «décision» mais de «résultat» (outcome).

Q. Avez-vous encore confiance dans le système de négociation onusien?

R. Au moins à Bangkok on a eu une bonne nouvelle: les engagements de réduction des gaz à effet de serre des pays en développement dépassent ceux des pays développés, pour l'horizon 2020. On est encore loin de la réduction nécessaire pour limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius, mais au moins, ça contredit l'argument des États-Unis selon lequel les pays en développement doivent faire plus d'efforts.

Q Existe-t-il une solution de rechange?

R. S'il n'y a pas d'accord contraignant en Afrique du Sud cette année pour faire suite à Kyoto, la prochaine décennie sera perdue. En Bolivie, nos glaciers vont disparaître. Notre capitale La Paz sera entourée de déserts. Il y aura de nombreux impacts sur la biodiversité. On parle d'un génocide et d'un écocide. C'est pour cela que nous proposons la création d'un tribunal international pour la justice climatique. Mais il y a beaucoup de résistance à ce projet dans les pays développés.