Le projet de la société Bruce Power, qui voulait transporter des déchets nucléaires sur le fleuve Saint-Laurent en direction de la Suède, est victime d'une «campagne de peur» orchestrée par des militants antinucléaire, a estimé hier le président de la Commission canadienne de la sûreté nucléaire (CCSN), Michael Binder, devant un comité parlementaire. Il venait y défendre la décision qu'a prise la CCSN en février d'approuver le transport par voie maritime de 16 générateurs, chacun de la taille d'un autobus, contenant du matériel radioactif. Il a maintenu que le projet était on ne peut plus sûr, tant pour la santé des populations riveraines que pour l'environnement.

«La question n'est pas la sécurité, c'est de savoir si on est pour ou contre le nucléaire. Les gens qui s'opposent au projet seront toujours contre nous», a-t-il affirmé, catégorique. À son avis, les «antinucléaire» ont eu jusqu'à présent «beaucoup de succès» dans leur campagne pour «présenter cette activité comme très dangereuse», «ce qui n'est pas le cas», a-t-il soutenu.

Bruce Power veut envoyer ses générateurs en Suède pour que le métal soit décontaminé et recyclé. L'approbation du projet a soulevé un tollé, notamment dans les municipalités riveraines.

En matinée, des autochtones, des environnementalistes et des représentants du Regroupement pour la surveillance du nucléaire ont dénoncé la CCSN, qui «joue le rôle de l'industrie» plutôt que de respecter son mandat, de prendre des décisions «objectives» pour protéger la santé et l'environnement.

«C'est honteux à quel point la CCSN a agi comme le service de relations publiques de l'industrie nucléaire plutôt que de défendre l'intérêt du public», a dit Gordon Edwards, président du Regroupement pour la surveillance du nucléaire.

Craignant que cela ne crée un précédent dangereux, des groupes opposés au projet de Bruce Power s'adressent maintenant aux tribunaux pour empêcher qu'un permis de transport soit accordé.

Estimant que la CCSN a erré en approuvant le transport des générateurs sans obtenir d'abord une étude d'impact environnemental, le Sierra Club du Canada et l'Association canadienne du droit de l'environnement ont demandé à la Cour fédérale d'annuler la décision de la CCSN et surtout d'empêcher Transports Canada d'accorder le permis à Bruce Power. L'entreprise, qui est également allée défendre son projet en comité, doit aussi obtenir l'approbation de plusieurs pays touchés par la route maritime empruntée, dont les États-Unis.

Pour justifier sa décision, la CCSN a argué que le transport de matériel radioactif est chose courante, notamment pour approvisionner les hôpitaux en isotopes médicaux.

Selon les opposants au projet, on ne peut pas faire la comparaison entre le transport d'isotopes, qui ont un intérêt évident pour le public, et le fait de déplacer des déchets nucléaires dont personne ne veut et qui représentent un plus grand risque.

Le président de la CCSN n'a pas nié que, si l'opération de Bruce Power se passe bien, il pourrait y avoir d'autres transports de déchets nucléaires sur la Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs.

«C'est comme le Titanic. Les probabilités pour que ce transport en particulier se passe bien sont grandes. Mais plus on autorisera d'autres cargaisons, plus on jouera à la roulette russe avec du nucléaire», a conclu Gordon Edwards.