Six sénateurs américains continuent d'exiger un examen serré du projet de transport par bateau de 16 chaudières contenant de faibles quantités de matières radioactives sur le Saint-Laurent, malgré son autorisation vendredi par les autorités nucléaires canadiennes.

Ces sénateurs démocrates demandent une évaluation environnementale complète du projet de la société ontarienne Bruce Power, gestionnaire de la plus grande centrale nucléaire du continent, à 200 km au nord-ouest de Toronto.

Le projet consiste à charger les 16 chaudières de 100 tonnes chacune à bord d'un navire au port d'Owen Sound, au bord du lac Huron, pour les livrer, via les Grands Lacs et le Saint-Laurent, à la société Studsvik à Nyköping, en Suède, où elles seront démantelées et recyclées.

Une représentante républicaine du Michigan a ajouté sa voix à celle des opposants ces derniers jours.

«Il y a de l'opposition active et des préoccupations dans les deux Chambres du Congrès, actuellement», dit Kevin Kamps, de l'organisme Beyond Nuclear, au Maryland.

Le passage de la cargaison dans les eaux américaines doit être autorisé par une agence du ministère américain des Transports, la Pipelines and Hazardous Materials Safety Administration. Cette agence peut entreprendre une étude environnementale ou encore entériner la décision de la CCSN.

Cette agence a autorisé en 2001 le transport par bateau de deux chaudières d'une centrale nucléaire du Wisconsin. Elles ont traversé le lac Michigan et Chicago avant de descendre le Mississippi jusqu'à Memphis, au Tennessee.

Encore plus récemment, en mai 2008, une centrale nucléaire de Floride a eu l'autorisation de transporter par voie maritime et fluviale deux chaudières usagées et une pièce de réacteur à Memphis, où Studsvik a des installations.

Le recyclage d'acier en provenance de l'industrie nucléaire est controversé. L'Association américaine des aciéristes s'y oppose totalement. Dans un mémoire produit en 2008, elle estime qu'il y a trop de risques pour ses employés, ses installations et ses clients.

En revanche, la loi européenne en la matière a été changée dans les dernières années pour permettre le recyclage du métal dont la radioactivité est inférieure à certaines normes.

Dans son procédé de recyclage, Studsvik mélange une part d'acier décontaminé de source nucléaire avec 10 parts de ferraille «normale» avant de remettre le métal sur le marché.

Plusieurs groupes antinucléaires et des municipalités des deux côtés de la frontière s'opposent au projet de Bruce Power. La Commission canadienne de sûreté nucléaire l'a approuvé vendredi dernier au motif que les risques pour l'environnement et la santé humaine étaient «négligeables».

Les chaudières, appelées «générateur de chaleur», sont grosses comme un autobus. Elles n'ont jamais été en contact direct avec le carburant nucléaire. Elles servent de lieu d'échange de chaleur entre l'eau qui refroidit le réacteur et celle qui, transformée en vapeur, fait tourner les turbines électriques. Mais à l'usage, elles ont fini par être faiblement contaminées par certains éléments radioactifs.

Elles ont été scellées et remisées lors des travaux de rénovation de la centrale Bruce au milieu des années 90. Le plan original était de les entreposer sur place pendant au moins 50 ans.

Mais Bruce Power a conclu en 2009 une entente avec Studsvik, qui affirme pouvoir les démanteler et recycler la plus grande partie de l'acier. Environ 400 tonnes d'acier trop contaminé reviendraient par le même chemin pour être entreposées au Canada.