Jean Charest déplore que le Canada imite le Japon en refusant de prolonger l'accord de Kyoto après 2012. «Ça ne m'étonne pas. Mais on espérait que le Canada puisse faire plus, évidemment. (...) Le Canada doit jouer un rôle plus important dans la mise en oeuvre d'une entente», a affirmé le premier ministre, dimanche à Cancún.

M. Charest copréside jusqu'à demain le sommet des Leaders d'États fédérés, une rencontre en marge de la 16e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui se déroule à Cancún. Il a profité de sa visite pour s'entretenir dimanche avec le président du Mexique, Felipe Calderon, et ses ministres des Affaires étrangères et du Commerce. Il a notamment discuté d'une possible entente de «sécurité sociale» qui faciliterait l'arrivée de travailleurs mexicains au Québec.

Les attentes sont faibles pour Cancún. Malgré tout, la rencontre a déjà réussi à décevoir avec les positions du Japon puis du Canada. Depuis le début du sommet, le Canada a déjà reçu trois prix Fossile peu enviables. On lui reproche entre autres d'être le seul pays à avoir abaissé ses cibles - déjà jugées faibles - de réduction de gaz à effet de serre depuis l'année dernière. D'ici à 2020, Ottawa veut réduire ses émissions de 17% par rapport au niveau de 2005. Le Canada est d'ailleurs un des rares pays à utiliser comme année de référence 2005, et non 1990.

M. Charest estime que ce contexte rend encore plus important le sommet des Leaders d'États fédérés. «Ça va mettre une pression du bas vers le haut», dit-il. Il souligne que des provinces ou des États comme le Québec et la Californie peuvent et doivent se fixer eux-mêmes des cibles plus ambitieuses que celles de leur gouvernement central. C'est dans les ordres inférieurs de gouvernement que se prennent de 50 à 80 % des décisions qui fixent les niveaux d'émissions, ajoute-t-il.

Et les cibles du Québec? Selon les plus récentes données, les émissions de GES sont au niveau de 1990. Pour respecter Kyoto, elles devront diminuer de 5,2% en 2012. D'ici à 2020, Québec veut baisser ses émissions à 20% sous le niveau de 1990. «On va atteindre notre objectif», assure le premier ministre.

Martine Ouellet, critique de l'opposition officielle en matière d'environnement, reste sceptique. «On n'a pas atteint la cible de Kyoto. Alors comment prétendre qu'on atteindra notre nouvelle cible?» demande la députée péquiste, observatrice au sommet à Cancún.

Gaz de schiste

Elle croit que l'exploitation du gaz de schiste éloignera encore plus Québec de ses objectifs. Le gouvernement prétend que le gaz de schiste fera réduire les émissions. «C'est un calcul extrêmement tendancieux, répond Mme Ouellet. Pour y arriver, on suppose qu'on remplacerait le mazout par le gaz de schiste. Or, on pourrait aussi remplacer le mazout par des énergies encore moins polluantes, comme l'électricité!» remarque-t-elle.

Selon un estimé d'Équiterre, le gaz de schiste ferait plutôt croître les émissions de 5,7 tonnes par année.

La députée péquiste dénonce aussi le démantèlement annoncé de l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec. Et elle estime que M. Charest ne critique pas assez Ottawa. «Il s'écrase», lance-t-elle même. Le premier ministre dit «parler» avec John Baird, ministre fédéral de l'Environnement. Mais comme il quitte Cancún demain, il ne pourra toutefois le rencontrer dans le cadre du sommet.

Aide et forêt

Aucune entente sur l'après-Kyoto n'est attendue à Cancún. Les chefs d'État n'y seront même pas, alors que la plupart ont assisté à la rencontre de Copenhague l'année dernière.

Cancún doit plus modestement servir à remettre les négociations sur les rails. Des ententes plus ciblées et pragmatiques sont toutefois espérées.

Par exemple, on souhaite conclure un accord pour préciser le fonctionnement du fonds d'aide aux pays en développement. Ce fonds découle de la rencontre de Copenhague. Les pays industrialisés s'y étaient engagés à donner aux pays en développement 30 milliards d'ici à 2012 et 100 milliards d'ici à 2020, afin de les aider à combattre le réchauffement climatique. Les pays industrialisés voudraient que ce fonds soit dirigé par la Banque mondiale. Les bénéficiaires voudraient plutôt que l'ONU s'en charge.

Aussi, on aimerait faciliter le transfert de technologies et encourager la réduction des émissions liées au déboisement et à la dégradation des forêts dans les pays en développement.