Une cinquantaine de pays ont entamé mercredi à Paris de délicates négociations visant à fixer les quotas de pêche 2011 du thon rouge, espèce très prisée des Japonais dont les stocks ont chuté de façon vertigineuse depuis 30 ans, avec une légère amélioration très récente.

La 17e réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) s'est ouverte à huis clos dans un grand hôtel de la capitale française, avec une poignée de manifestants venus défendre l'avenir du thon rouge.

Les 48 membres de la Commission ont dix jours pour trouver un compromis entre l'indispensable reconstitution des stocks de ce grand prédateur et migrateur marin et les intérêts des professionnels, armateurs et propriétaires de fermes d'engraissement, qui opèrent essentiellement en Méditerranée.

«Le thon rouge n'a pas d'avenir si on ne ferme pas la pêche à la senne» à bord des thoniers de près de 40 mètres de long, estime Maria-José Cornax, spécialiste de l'espèce pour l'organisation américaine Oceana.

Outre la suspension de la pêche industrielle, Oceana, Greenpeace, le WWF et l'ONG américaine PEW font campagne pour l'interdiction de la pêche dans les zones de frai et une réduction du quota de 13 500 tonnes, alloué en 2010, à un maximum de 6000 tonnes.

«C'est un scénario réaliste», a admis le président de la CICTA, Fabio Hazin devant des experts. «L'un des points discutés est la possible suspension de la pêche à la senne et des activités des fermes marines», a-t-il ajouté. «On pourrait avoir un quota de zéro, si la Commission pense qu'on doit arriver à un niveau de stock durable dès 2019, mais cela peut aussi aller jusqu'à 13 500 tonnes».

En 2010 le thon rouge a été pêché en Méditerranée du 15 mai au 15 juin, correspondant à la période de regroupement pour se reproduire.

La pêche à la senne, avec des filets capables de remonter une centaine de tonnes en une seule prise, «a été inventée par les Japonais», qui absorbent 80% du thon pêché en Méditerranée, selon Charles Braine du WWF.

Les thoniers-senneurs transfèrent ensuite les poissons dans des fermes d'engraissement (à Malte, en Croatie, Libye et Turquie) avant l'exportation vers les marchés nippons particulièrement lucratifs.

«Le Japon sera en pointe dans la réunion pour assurer la reconstitution du stock», a assuré le chef de la délégation Masanori Miyahara à la télévision NHK, mercredi à Paris, sans autres précisions.

La France, soutenue par l'Espagne et l'Italie défend le maintien du quota à 13 500 tonnes en se basant sur la recommandation la plus haute des scientifiques.

Selon le ministre français de la Pêche Bruno Le Maire, la position française permet «un bon équilibre entre l'assurance que la ressource en thons rouges va être préservée» et le maintien d'une activité économique pour «des milliers de pêcheurs qui vivent de cette activité-là depuis des années».

Le Royaume Uni, l'Allemagne et la Commissaire européenne à la pêche, la Grecque Maria Damanaki sont en faveur d'une réduction des quotas.

«Les associations de pêcheurs artisanaux en Espagne soutiennent, eux, la suspension totale des captures», a rappelé Sergi Tudela du WWF, estimant que les fermes d'engraissement n'étaient que «des machines à blanchiment des captures illégales».

Car, malgré les mesures de contrôle prises par la CICTÀ après la révélation en 2007 que la flotte française, notamment, avait pêché deux fois plus que son quota, il reste des trous béants dans le dispositif, selon une étude de Greenpeace et du WWF.

«Il faut améliorer la surveillance et le contrôle», a reconnu Fabio Hazin soulignant que ce point serait également discuté à Paris.