En plus d'être incolore et inodore, le gaz naturel est presque invisible dans le bilan énergétique du Québec. Même s'il alimente de plus en plus de cuisinières dignes des grands chefs dans les foyers québécois, c'est dans les usines qu'il joue un rôle indispensable.

«Sans un apport de gaz naturel, le Québec est foutu», résume Luc Boulanger, qui représente les grandes entreprises comme les alumineries, les fonderies et les fabricants de pâtes et papier.

Sans électricité, les alumineries québécoises ne survivraient pas, explique-t-il. Mais sans gaz naturel, elles auraient de la difficulté à garder leur avantage concurrentiel. C'est encore plus vrai pour les fonderies et toutes les entreprises qui ont besoin de chaleur dans leurs procédés, ajoute-t-il.

L'utilisation de gaz naturel tend d'ailleurs à augmenter dans les usines, qui sont encouragées à remplacer le bunker numéro 8, un résidu du raffinage du pétrole, par cette source d'énergie moins polluante.

Le Québec consomme cinq millions de mètres cubes de gaz naturel par année. Tout ce gaz vient de l'Alberta, dont la production est en déclin. C'est la raison pour laquelle des projets d'importation de gaz naturel comme celui de Rabaska à Lévis ont vu le jour. Il était question d'investir des centaines de millions de dollars pour faire venir du gaz d'aussi loin que la Russie pour alimenter le marché québécois.

La présence de gaz ici même, dans notre propre sous-sol, a changé la donne. Si le gaz contenu dans les schistes est assez abondant pour être exploité économiquement (ce qui n'est pas encore certain), pourrait-il devenir une source de richesse intéressante pour le Québec?

La réponse est oui, selon Gaëtan Lafrance, professeur à l'Institut national de recherche scientifique et auteur réputé de plusieurs ouvrages sur la question énergétique.

Les Québécois dépensent deux milliards par année pour acheter du gaz naturel albertain. Cet argent resterait au Québec si la production de gaz de schiste réussissait à démarrer.

«Si on se base sur notre propre consommation, il est donc intéressant de développer le gaz de schiste, si, bien sûr, les choses se font correctement», dit Gaëtan Lafrance.

L'exploitation du gaz de schiste pose des problèmes environnementaux, comme toutes les activités économiques. Mais c'est loin d'avoir le même impact que les sables bitumineux, estime-t-il.

Selon Gaëtan Lafrance, il est illusoire de penser que les énergies renouvelables pourront remplacer le gaz naturel. «Pour l'horizon prévisible, le gaz va conserver un marché important au Québec, notamment pour le secteur industriel», estime-t-il.

De toutes les sources d'énergie fossiles (charbon, pétrole, gaz), le gaz naturel sera le dernier à disparaître, prévoit le professeur.

«Évidemment, si on pouvait passer tout à l'électricité, ce serait idéal, mais il faut être réaliste.»