Écologistes et producteurs acéricoles doivent reprendre la lutte contre les pluies acides qui, malgré les efforts investis depuis 20 ans pour les éradiquer, semblent revenir en force.

Pour mener cette bataille, ils misent sur l'appui du premier ministre Jean Charest, qui a déjà milité en faveur de cibles contraignantes lorsqu'il était ministre fédéral de l'Environnement, sous la bannière conservatrice.«Il revient au premier ministre de reprendre le bâton du pèlerin, d'autant que le Québec fait encore une fois les frais des pluies acides», a soutenu André Bélisle, porte-parole de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), en entrevue à La Presse Canadienne.

L'AQLPA fait d'ailleurs remarquer que M. Charest a été en quelque sorte un «élève» de l'organisme. Le chef libéral est considéré comme quelqu'un qui possède une très bonne connaissance du dossier et qui a su agir de manière efficace, à l'époque.

L'organisme soutient que les cibles visées en 1985, lorsque le gouvernement fédéral et sept provinces ont lancé le Programme de lutte contre les pluies acides dans l'Est du Canada, étaient finalement insuffisantes.

Le programme fédéral avait pour cible des réductions d'émissions de soufre de 50 pour cent, basées sur les niveaux mesurés en 1980. Ce seuil devait être atteint au plus tard en 1994. Un an après cette échéance, en 1995, les émissions canadiennes ont été réduites de 43 pour cent. Près de la cible, mais tout de même raté.

Malgré des avancées indéniables le traitement des émissions à la source piétine.

«Nous avons réduit les émissions de soufre dans le nord-est du continent, mais au chapitre du transport, nous accusons un important retard avec les oxydes d'azote (NOX)», a expliqué M. Bélisle.

Ainsi les vents dominants continuent de pousser les polluants de l'ouest vers l'est du pays et donc, au dessus du Québec.

Au cours des dernières années, plusieurs acériculteurs ont constaté que certaines érablières, qui montraient pourtant des signes d'amélioration, ont recommencé à manifester des symptômes de dépérissement.

«Des producteurs sont préoccupés par la santé de leurs arbres. L'érable recèle encore beaucoup de secrets et on mise sur la recherche, notamment par le biais du ministère de la Faune, pour trouver des solutions», a affirmé Simon Trépanier, directeur adjoint de la Fédération des producteurs acéricoles.

Des éléments qui inquiètent pour les forêts, mais qui s'avèrent tout aussi préoccupants pour l'eau. Les précipitations acides endommagent sans ménagement les lacs, les cours d'eau, les arbres, les sols et elles ont un impact sur la faune aquatique et terrestre.

Aujourd'hui les lacs qui avaient récupéré revivent maintenant les mêmes difficultés liées à une trop forte acidification.

L'AQLPA réclame donc une seconde vague de réduction des émissions de NOX et de SO2, une inspection plus rigoureuse des vieux véhicules, une réduction de la consommation d'énergie et une utilisation réduite des combustibles fossiles.

Cette vague de précipitations acides se conjugue avec une nouvelle synergie entre les polluants, ce qui rend la situation plus complexe. Les liens jusqu'ici sous-estimés entre les différents rejets atmosphériques suscitent des effets pervers.

Et les pluies acides n'ont pas qu'une composante liquide. Elles génèrent aussi des résidus secs qui peuvent engendrer d'autres problèmes.

«L'acidification des lacs fait disparaître les populations d'insectes qui s'attaquent aux bactéries. De l'autre côté, l'oxyde d'azote se transforme en nitrate, un produit qui agit comme un fertilisant. Cette substances vient surfertiliser les nappes d'eau, accélérant la prolifération des algues bleues et l'acidification élimine les ennemis naturels des bactéries», a précisé M. Bélisle qui trempait déjà dans le sujet dans les années 1980.

En marge de ce qui pourrait être fait, des actions se poursuivent. M. Trépanier a précisé que de nouveaux moyens ont été développés pour lutter contre les effets des pluies acides. Parmi ces pratiques, le chaulage, qui a pour but de réduire l'acidité du sol en appliquant de la chaux dolomitique dans un rayon de cinq mètres autour de chaque érable. Cette formule, semble porter fruits.