Le secteur aérien place beaucoup d'espoirs dans les biocarburants pour freiner sa consommation de pétrole et ses émissions de CO2, mais tout reste à faire alors qu'une croissance galopante lui est promise dans les prochaines décennies.

Début mai, la première compagnie aérienne allemande, Lufthansa, a annoncé son intention d'utiliser un mélange de kérosène et de biocarburant sur des lignes régulières d'ici à deux ans, après des vols d'essais d'Air New Zealand, Continental Airlines, JAL et KLM en 2008-2009.«Les biocarburants, ça fonctionne», le problème c'est leur caractère durable, a affirmé Christian Dumas, directeur de l'environnement et du développement durable chez Airbus, lors du Forum international des transports qui s'est tenu cette semaine à Leipzig (est de l'Allemagne).

Certains biocarburants dégagent plus d'énergie que le kérosène pour moins d'émissions de dioxyde de carbone (CO2), gaz à effet de serre considéré comme l'un des grands responsables du réchauffement climatique.

Mais leur culture à grande échelle risquerait de s'imposer dans certaines régions du monde au détriment de besoins alimentaires de base, de l'eau ou des forêts. Leur production pourrait émettre plus de CO2 que leur usage permettrait d'en réduire.

Le bilan carbone est «pour l'instant plutôt médiocre» et les biocarburants de deuxième génération «ne sont pas encore au point», estime Yves Crozet, professeur d'économie des transports à Lyon (France).

Cette nouvelle génération qui promet de meilleurs rendements expérimente des plantes comme le jatropha, la cameline ou les algues. La première génération s'appuie sur des produits issus de l'agriculture, comme le maïs, le soja ou le tournesol.

«Les biocarburants dans le secteur aérien, c'est largement de la communication», car le transport aérien ne veut pas apparaître comme un «prédateur» sur les ressources mondiales de pétrole, poursuit M. Crozet.

Celles-ci se raréfient et font monter les prix du carburant, alors que le trafic aérien passagers devrait au moins tripler de volume d'ici à 2050, selon le dernier rapport annuel du Forum international des transports.

Or les besoins de pétrole de l'aviation sont colossaux. Avec environ 20.000 avions aujourd'hui, le secteur avale 12% du pétrole utilisé par les transports dans le monde, selon ce rapport.

L'addition va en outre se corser avec la mise en place des systèmes d'échange de quotas d'émissions (ETS) pour les compagnies aériennes. Ce marché devrait voir le jour dès 2012 dans l'Union européenne.

Les compagnies aériennes devront ainsi acheter des «crédits carbone» en fonction de la quantité de leurs émissions de CO2. Lufthansa par exemple prévoit une charge annuelle entre 100 et 300 millions d'euros pour s'affranchir de ce droit à polluer.

L'Association internationale du transport aérien (IATA) avance le chiffre de 100 milliards de dollars d'investissement pour atteindre son objectif d'utiliser 6% de mélange de kérosène et de biocarburants en 2020 pour réduire de 5% les émissions des avions.

A l'horizon 2050, le secteur aérien vise une réduction de 50% de ses émissions par rapport à aujourd'hui, selon des objectifs annoncés lors du sommet des Nations Unies sur le climat en décembre dernier à Copenhague.

Une répercussion de la facture énergétique du transport aérien sur les prix des billets d'avion semble inévitable à terme, mais les compagnies aériennes préfèrent ne pas jeter de l'huile sur le feu pour l'instant.

«Il faut que le prix soit juste», a simplement glissé Matthias von Randow, lobbyiste d'Air Berlin, au forum de Leipzig.