Le chanteur et militant Richard Desjardins pourfend l'entente que des grands groupes écologistes - qu'il qualifie de «Walmart écologiques» - ont conclue avec des entreprises forestières au sujet de la forêt boréale.

Il promet que pour lui, la question de la sauvegarde de la forêt est loin d'être réglée.

«Cette entente a été faite au sujet d'une richesse collective, entre des groupes écologistes et des entreprises, alors qu'aucune de ces personnes n'est propriétaire de cette ressource», a déclaré M. Desjardins à La Presse.

 

Il regrette d'avoir été tenu à l'écart du processus, lui qui a lancé le débat en 1999 avec le documentaire L'erreur boréale. Il est aussi cofondateur de l'Action boréale en Abitibi-Témiscamingue (ABAT), qui compte 2000 membres.

«Cela s'est fait sans la consultation des autochtones, des groupes locaux et même du gouvernement provincial, a dénoncé M. Desjardins. On a été gardés dans l'ignorance de ces tractations, qui ont été tenues par des groupes internationaux qui sont devenus des genres de Walmart écologiques.»

Dans l'entente annoncée mardi, quatre sociétés forestières détenant des droits de coupe sur environ la moitié de la forêt commerciale du Québec ont accepté un moratoire de trois ans sur la moitié de cette superficie.

Utilisé comme bouclier

Durant cette période, ces entreprises (AbitibiBowater, Kruger, Tembec et Louisiana Pacific) vont travailler avec les groupes écologistes pour mettre en oeuvre une soixantaine de mesures.

Au même moment, les groupes écologistes, dont Greenpeace, Conservation de la nature, Canopée et ForestEthics, cessent leurs campagnes de boycottage et leurs moyens de pression auprès des clients de l'industrie forestière.

Lors de l'annonce de l'entente à Toronto, mardi, le président de l'APFC, Avram Lazare, a précisé qu'elle lui servirait de bouclier contre des groupes comme celui de M. Desjardins. «Si quelqu'un d'autre vient nous intimider, je vais leur dire: "Si tu veux te battre, j'ai mon groupe avec moi maintenant"», a-t-il dit, en pointant vers les représentants des groupes écologistes.

Richard Desjardins n'a pas l'intention de lâcher prise pour autant. «Tout le monde pense qu'avec ça, l'affaire de la forêt est réglée, a-t-il dit. Mes chums me disent qu'il faudrait saborder l'Action boréale. Mais s'ils pensent qu'il va y avoir un moratoire dans notre lutte, ils se trompent.»

Il a entre autres souligné que les zones désignées conjointement par l'industrie et les groupes écologistes nationaux et internationaux pour leur potentiel de conservation n'incluent pas celles que l'Action boréale souhaite conserver. «Nous, on travaille pour essayer de faire des zones de protection près de là où il y a du monde», a-t-il dit.

Tout comme l'a fait hier le Grand Conseil des Cris, Richard Desjardins a noté que de nombreuses entreprises forestières ne sont pas visées par l'entente parce qu'elles ne sont pas membres de l'Association des produits forestiers du Canada.

En effet, rien dans cette entente n'empêchera la construction de milliers de kilomètres de chemins forestiers et de deux ponts sur la rivière Broadback, à la baie James, dans un secteur pourtant jugé parmi les plus prometteurs pour la conservation du caribou forestier.

Cette région à l'est du lac Evans est pourtant désignée dans l'entente comme un «territoire visé pour la planification de la conservation du caribou forestier», où, en principe, toute nouvelle exploitation devrait être suspendue pour trois ans.

Mais ce territoire est en garde partagée avec deux autres entreprises qui ne sont pas signataires de l'entente: Domtar et Norbord. Ces deux sociétés ne sont pas membres de l'Association des produits forestiers du Canada (APFC).

Geoff Quail est responsable de la foresterie au Grand Conseil des Cris. «Cette entente ne nous aide pas beaucoup si Domtar continue comme si rien n'avait changé», a affirmé M. Quail à La Presse.

M. Desjardins a noté, de son côté, que l'entente n'empêchera pas la coupe de bois au lac Sabourin, à 20 km au sud de Val-d'Or, où il y a une harde de caribous forestiers.