Du mazout toujours collé aux rochers, des dizaines d'espèces animales décimées, des villages de pêcheurs se débattant entre alcoolisme et violence domestique... Plus de 20 ans après la marée noire de l'Exxon Valdez, l'Alaska n'en finit pas de panser ses plaies.

Un rapport de la Mission sur la marée noire de l'Exxon Valdez, publié en 2009, avait détaillé le bilan environnemental de la catastrophe qui avait frappé en mars 1989 la côte de Prince William Sound.

L'industrie de la pêche au hareng, jusqu'alors florissante, s'est définitivement effondrée en 1993. Les stocks de saumon sont toujours à des niveaux très bas et les orques qui vivaient dans la zone de Prince William Sound sont en voie d'extinction.

Quelque 80 000 litres de pétrole - une petite partie des 41 millions de litres qui se sont déversés sur  1 300 kilomètres de côtes vierges -- polluent encore les plages de la région.

«Ca n'a pas été nettoyé et personne ne sait si ça le sera un jour», déclare à l'AFP Emilie Surrusco, porte-parole de l'Association de défense de la vie sauvage en Alaska.

«L'impact sur la pêche se fait encore sentir, ni le hareng ni le saumon n'ont retrouvé leurs niveaux d'antan. C'est toujours dévasté, par ici. Alors ce que nous voyons dans le Golfe du Mexique nous désespère», ajoute-t-elle.

La marée noire de l'Exxon Valdez a également coûté la vie à 250.000 oiseaux marins, 2.800 loutres de mer, 300 phoques, 250 rapaces et 22 orques.

Ce désastre environnemental s'est doublé d'une détérioration sensible du tissu social dans les communautés de pêcheurs les plus touchées, selon des experts et les autorités locales.

«Ce qu'on voit aux infos, c'est les images de pétrole flottant sur l'eau et déversé sur les plages, les animaux et les oiseaux mazoutés», déclare à l'AFP Stan Jones, du conseil régional de Prince William Sound. «Les ravages humains sont plus difficiles à voir car ils se développent plus tard», dit-il.

Steve Picou, professeur de sociologie à l'Université du Sud de l'Alabama, a mené des recherches poussées sur les conséquences de la marée noire sur les populations de la région.

«Ce que nous avons découvert, c'est que cinq ou six ans après la catastrophe, les gens sont devenus très déprimés et isolés. On a relevé beaucoup de syndromes de stress post-traumatique et de dépressions nerveuses», déclare-t-il.

M. Picou relève également que le «capital social» de plusieurs communautés s'est effondré, les habitants de la région refusant de s'investir dans la vie publique -- que ce soit aux élections ou pour entrer au conseil d'administration d'une école, par exemple.

«Les gens ne veulent plus s'impliquer», dit-il. «En plus de cela, on a assisté à une augmentation de la violence domestique, des divorces et des faillites. C'est comme un traumatisme collectif, comme si toute une ville était sous le choc. Les relations sociales et les structures familiales se sont effondrées», observe-t-il.

M. Picou cite l'exemple de la ville de Cordova, qui a créé en 1992 une organisation pour venir en aide et offrir un toit aux femmes battues. «Ils n'en avaient jamais eu besoin, avant. La violence domestique n'existait pas».