Des milliers de blocs de glace coulent au fil de la rivière chargée de cendres noires: près d'ici, dans un paysage irréel battu par les vents, bat le coeur du volcan islandais qui a paralysé en deux jours une large partie de l'Europe.

Perdue au milieu de ce paysage apocalyptique, près du petit village de Hvolsvollur situé à quelques kilomètres de l'éruption, une voiture de police bloque la route qui mène au glacier Eyjafjallajokull, sans qu'on puisse apercevoir les épaisses fumées crachées par l'éruption, cachées par les nuages.

Seuls quelques touristes s'aventurent jusqu'ici, comme Joan Ellis, une Américaine de 62 ans. Faute d'avion, elle est bloquée sur l'île avec sa fille Jess, mais ne se montre guère inquiète.

«Je ne sais pas quand on va pouvoir partir. Mon Dieu, en fait, j'espère qu'on va devoir rester !», s'exclame-t-elle, devant le spectacle grandiose des cascades d'eau qui dévalent en contrebas du glacier.

Un pont voisin a miraculeusement survécu aux inondations provoquées par la fonte des glaces chauffées par l'éruption, qui ont entraîné par deux fois la brève évacuation de près de 800 riverains, en alerte permanente depuis trois jours.

A Buland, une ferme à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest du glacier, Gudny Halla Gunnlaugsdottir ne peut que remercier les murs dressés dans les années 1920: ils ont résisté aux flots venus du volcan voisin, préservant ses terres et sa ferme.

«On savait ce que c'était de construire, à cette époque», dit-elle.

Au total, elle et sa famille ont été évacués quatre fois depuis une première éruption d'un autre volcan voisin, le Fimmvorduhals, le 21 mars, même s'ils n'ont jamais été en danger immédiat et qu'il n'y a pas d'effets visibles de l'éruption sur leur propriété.

«S'il n'y avait pas eu toute cette couverture médiatique, on ne dirait pas qu'il y a une éruption», alors que le ciel bleu brille au dehors de sa maison, située dans la direction opposée des vents qui chassent les nuages de cendres vers l'est.

Elle n'est pas la seule à garder son sang-froid: pour l'instant, depuis le début de l'éruption, tout s'est toujours passé dans le calme, assure Kjartan Thorkelsson, le chef de la police locale, qui a encadré les deux évacuations menées depuis mercredi.

«Il n'y a pas de panique», dit-il à l'AFP. «Les gens savent ce qu'il faut faire, et ils savent qu'on leur dit ce qui se passe».

Un géant endormi suscite néanmoins l'inquiétude, à quelques kilomètres au nord: Katla, un volcan plus grand et plus dangereux selon les géologues, dont la dernière éruption remonte à 1918.

Même s'il ne montre aucun signe d'activité, les Islandais savent que ses éruptions ont souvent par le passé suivi un an ou deux après une première éruption à Eyjafjallajokull.

Pour Gudny Halla Gunnlaugsdottir, «ce n'est pas vraiment la question de savoir s'il va entrer en éruption, mais plutôt quand».

«Et là, on aura un vrai problème».