La plus grande partie des terres contaminées du Faubourg Contrecoeur, projet immobilier controversé de l'entreprise F. Catania dans l'est de Montréal, ont été enfouies chez Écolosol, a constaté La Presse.

La question des terres contaminées et le coût réel de leur décontamination est au coeur de diverses enquêtes qui ont eu cours et qui se poursuivent au sujet de la vente par la Ville de Montréal du terrain Contrecoeur à F. Catania.

 

Le mois dernier, l'escouade Marteau de la Sûreté du Québec a perquisitionné dans les locaux de F. Catania, entre autres à la recherche de documents au sujet du Faubourg Contrecoeur.

Écolosol est une entreprise de Mascouche qui a pour premier actionnaire Normand Trudel, proche du Parti libéral du Québec. L'entrepreneur Tony Accurso y détient une participation minoritaire.

Normand Trudel a tenu, le 21 avril 2008 dans sa résidence, une soirée-bénéfice au profit du Parti libéral, à laquelle le premier ministre Jean Charest a participé. Selon le PLQ, cette soirée réunissant une centaine de personnes a permis de recueillir 107 000$. «C'était une soirée régionale à 1000$ par personne», affirme Michel Rochette, directeur des communications du PLQ.

En 2008, F. Catania a été le plus important client d'Écolosol, selon le rapport annuel de l'entreprise, avec 49 665 tonnes de terres contaminées. La majorité des opérations de décontamination se sont déroulées en juin, juillet et août 2008.

Le chiffre est confirmé par Philippe Roy, porte-parole de F. Catania. Il ajoute que 10 800 tonnes de ont été acheminées dans quatre autres entreprises. C'est donc plus de 80% du volume de terres contaminées du Faubourg Contrecoeur qui a été acheminé chez Écolosol.

Pour la majeure partie, les terres du Faubourg Contrecoeur envoyées chez Écolosol étaient faiblement contaminées. À ce titre, selon le ministère de l'Environnement, elles auraient pu servir de matériau de recouvrement dans un lieu d'enfouissement, comme ceux de Lachenaie ou de Sainte-Sophie. Dans ce cas, selon des sources de l'industrie, le coût d'enfouissement aurait pu être de seulement 12$ la tonne.

En octobre 2008, Écolosol a poursuivi F. Catania pour le paiement d'une facture de décontamination. L'affaire a été réglée à l'amiable en mai 2009. Dans la poursuite, Écolosol affirmait que «le montant total du contrat» se chiffrait à 1 093 920$. F. Catania affirme que cette facture est liée à la décontamination du Faubourg. Ce qui donnerait un coût moyen d'environ 22$ la tonne.

Écolosol n'a pas voulu confirmer ce fait ni donner aucun autre renseignement sur ce dossier. F. Catania n'a pas voulu confirmer la justesse de ce calcul.

Comme l'indique le rapport annuel 2008 d'Écolosol, l'entreprise a aussi reçu près de 38 000 tonnes de terres contaminées du ministère des Transports du Québec (MTQ), en majeure partie en provenance du chantier du prolongement de l'autoroute 25.

À cet égard, Écolosol avait affirmé à La Presse l'an dernier que «le tarif normal pour l'enfouissement est autour de 20$ la tonne», mais que dans ce cas ils avaient fait «un meilleur prix».

Rappelons qu'en vertu de son contrat de partenariat public-privé, Consortium A25, responsable du chantier, a pu refiler 14,8 millions de dollars de frais de décontamination au MTQ sans procéder à un appel d'offres.

Au coeur de l'affaire

La vente des terrains du Faubourg Contrecoeur par la SHDM, bras immobilier de la Ville de Montréal, est l'une des deux affaires qui ont entraîné le départ de deux hauts dirigeants de la Ville en septembre dernier: le directeur général Claude Léger et le directeur des affaires corporatives Robert Cassius de Linval. L'autre affaire est celle des compteurs d'eau, qui concernait une autre entreprise de l'entrepreneur Tony Accurso, Simard-Beaudry.

Notons que deux entreprises s'étaient qualifiées pour acheter les terrains du Faubourg Contrecoeur: F. Catania et Construction Marton, une autre entreprise de M. Accurso.

La question des coûts de la décontamination est le principal sujet de discorde entre la SHDM et F. Catania.

Le terrain du Faubourg Contrecoeur avait une valeur de 31 millions de dollars au rôle d'évaluation municipale. Un expert privé avait estimé sa valeur marchande à 19 millions. C'est à ce prix que le terrain a été vendu à Catania par l'entremise de la SHDM. Mais celle-ci a soustrait 11 millions du prix de vente pour la décontamination et 3,6 millions pour d'autres frais, si bien que le prix final est tombé à 4,4 millions, à payer au plus tard le 30 juin 2010.

Or, l'enquête du vérificateur externe Samson Bélair pour le compte du vérificateur général de la Ville a établi que la décontamination pourrait avoir coûté beaucoup moins cher - de 5,9 à 7 millions.

L'été dernier, la nouvelle direction de la SHDM a donné jusqu'au 31 janvier au Groupe F. Catania pour lui fournir les factures de la décontamination. La firme a demandé un délai jusqu'au 28 février, mais elle n'a toujours pas rendu les documents, a révélé à La Presse le directeur général de la SHDM, Guy Hébert.

Le Groupe F. Catania a depuis expédié une lettre à la SHDM pour l'aviser qu'elle ne fournirait pas les documents demandés tant que le travail de décontamination ne serait pas terminé, c'est-à-dire à la fin de l'été. «Il n'y a plus rien comme terre contaminée sur le site, sauf que dans la partie nord, il reste à rajouter du remblai, explique M. Roy. C'est seulement à ce moment que la réhabilitation sera finalisée.»