La Chine, dont les nombreux barrages sur le Mékong sont accusés d'être responsables de son extrême sécheresse, tentera de se défendre ce week-end lors d'un sommet en Thaïlande avec quatre pays riverains du fleuve, dont dépendent quelque 60 millions de personnes.

Le vice-ministre des Affaires étrangères chinois, Song Tao, va s'entretenir avec les Premiers ministres du Laos, du Cambodge, de Thaïlande et du Vietnam, dans le premier sommet du genre depuis la création de la Commission régionale du fleuve Mékong (MRC), en 1995.

Le niveau du fleuve au Laos et dans le nord de la Thaïlande a atteint son plus bas depuis 50 ans. Cargos et bateaux de touristes sont rivés sur les berges dans les zones les plus asséchées, et les populations s'inquiètent le long de ce qui est considéré comme le fleuve le plus poissonneux du monde.

Mais la responsabilité des barrages n'est pas scientifiquement établie.

La MRC souligne qu'elle-même ne dispose pas de preuves contre les Chinois. Et Damian Kean, son porte-parole, relève pour élargir le débat que la situation est «un avant-goût de ce qui adviendrait du bassin si les prédictions de changement climatique devenaient une réalité».

La Chine, «partenaire de dialogue» de la MRC, se dit elle-même confrontée à la pire sécheresse du siècle dans le sud-ouest, avec 24 millions de personnes à cours d'eau potable, et accuse la faiblesse historique des pluies.

«La Chine ne fera jamais rien qui affecte les intérêts des pays (du bas-Mékong)», a récemment assuré le porte-parole de l'ambassade de Chine à Bangkok, Yao Wen, soulignant que les barrages hydro-électriques permettent de réguler les flux et de prévenir les inondations.

Le fleuve mythique prend sa source en Chine, traverse le Laos, lui sert de frontière avec la Birmanie et la Thaïlande, avant de poursuivre son cours au Cambodge et de former un delta aux innombrables ramifications dans le sud du Vietnam.

Les débats seront intenses

Le sommet, organisé dimanche et lundi à Hua Hin (sud de la Thaïlande), sera l'occasion pour les pays du MRC de «demander des ressources à la Chine, en d'autres termes de l'argent», selon Anond Snidvongs, directeur de Start, un centre de recherche sur l'environnement dans la région.

«Je ne pense pas qu'il y aura conflit, au moins en apparence, mais à huis-clos les débats seront intenses», ajoute-t-il.

Le chef du secrétariat du MRC, Jeremy Bird, a récemment salué la décision de Pékin de partager plus d'informations avec ses voisins sur le niveau du fleuve, en y voyant le signe de sa volonté de «dialoguer avec les pays du bas Mékong».

Mais la polémique reste vive sur l'impact des huit barrages existant ou en projet en Chine. D'autant que le vice-ministre chinois de l'Eau, Liu Ning, a indiqué mercredi que d'autres constructions seraient nécessaires.

Les observateurs soulignent que l'atmosphère politique générale entre la Chine et ses voisins pèsera lourd sur la capacité des protagonistes à trouver, ou non, des points d'accord.

La querelle chronique entre la Thaïlande et le Cambodge, qui ont rappelé leurs ambassadeurs respectifs fin 2009, pourrait elle aussi perturber le sommet. «Je crains énormément que le débat soit plus politique que lié aux problèmes de l'eau», avoue à ce titre Anond.

Selon la MRC, plus de 60 millions de Laotiens, Thaïlandais, Cambodgiens et Vietnamiens dépendent du fleuve pour leur alimentation, transport et activités économiques.